La traite des jeunes Africains du foot.... c'est le titre du Monde!
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3230,36-731971,0.html
Citation:
omme tous les deux ans, la Coupe d'Afrique des nations (CAN), qui débute vendredi 20 janvier, au Caire, va célébrer les vertus du football africain : la spontanéité de son jeu et la ferveur de ses supporteurs. L'Ivoirien de Chelsea, Didier Drogba, ou le Camerounais de Barcelone, Samuel Eto'o : ses stars mondiales seront à l'honneur.
Mais à des milliers de kilomètres de la capitale égyptienne, en bordure du périphérique parisien, l'esprit est moins à la fête. Chaque jour, sauf le dimanche, entre 11 heures et 14 heures, une cinquantaine de jeunes Africains bravent le froid de l'hiver pour s'entraîner sur un terrain synthétique. Ils sont Maliens, Sénégalais, Béninois, Guinéens, Ivoiriens, Camerounais. Ils ont entre 15 et 30 ans. Ils sont sans club, évoluent au niveau amateur en banlieue parisienne ou dans le nord de la France. Tous caressent l'espoir qu'un club professionnel les embauchera.
Au bord du terrain, un "agent" qui "travaille avec la Grèce et la Moldavie" s'intéresse à un gardien de but camerounais qui a écumé la première division portugaise et slovaque. "Ici, on est sûr de trouver son bonheur", se félicite l'intermédiaire. Un jeune Camerounais apprenti-agent explique revenir du bled avec plusieurs joueurs de 15 et 16 ans. "Ils sont sans papiers, mais ça ne pose pas de problème lorsqu'ils sont jeunes", assure-t-il.
Jean — un pseudonyme —, qui aura 18 ans en mai, passe des jours difficiles depuis qu'un agent peu scrupuleux est allé le chercher dans son Cameroun natal, en 2001. "Si je n'avais écouté que moi, j'aurais commis l'irréparable depuis longtemps", témoigne l'adolescent. Sans papiers, sans famille, il se démène dans la banlieue de Lyon. Par peur du "regard des autres" — et de "votre cher ministre de l'intérieur"—, il n'a parlé de sa situation ni aux professeurs de son lycée — où il est en terminale STT (sciences et technologies tertiaires) — ni aux dirigeants de son club de football —, où il joue en division régionale.
A 12 ans, Jean quitte son village natal pour la capitale, Yaoundé. Cours le matin, petit commerce l'après-midi, Jean tape dans le ballon quand il a un peu de temps libre. Le gamin est doué. A 14 ans, il est présélectionné en équipe nationale des moins de 17 ans. "Un jour, un agent portugais vient me voir au stade, raconte-t-il. Il me dit que j'ai des bonnes qualités et me demande si je suis partant pour une expérience européenne. J'avais vu une émission sur TV5 qui montrait comment des footballeurs camerounais galéraient en Europe, je lui ai dit : 'Si ce n'est pas sérieux, ce n'est pas la peine.' Il m'a assuré que ça l'était." Quelque temps après, une blessure à la cheville empêche l'adolescent de participer à la Coupe d'Afrique des nations des moins de 17 ans. "Ça n'allait pas dans ma tête, se souvient l'intéressé. Mon avenir était bloqué au Cameroun. J'ai décidé d'accepter la proposition de l'agent : partir en Europe, c'est le rêve de tous les jeunes footballeurs Africains !" Avant le départ, ledit agent lui réclame tout de même 600 000 francs CFA (environ 1 000 euros) "pour contribuer à l'achat du billet d'avion". Ses "tuteurs" prennent une "tontine" (prêt associatif) pour rassembler la somme. Rejoint par trois autres footballeurs de son âge, Jean embarque pour l'Europe. Dans l'avion, l'agent explique que le programme a changé : ils ne vont plus au Portugal mais à Paris "participer à un tournoi avec des Français pour vous acclimater et vous mettre en jambes". Avec ses coéquipiers venus du Cameroun, mais aussi du Mali et de Guinée, Jean remporte les premiers matches. Et puis il se blesse à nouveau la cheville. Jean l'ignore, mais l'agent va s'en débarrasser. "Le Portugais m'a dit : 'Tu vas faire un essai à l'Olympique lyonnais. Un monsieur avec le survêtement de l'OL t'attendra à la gare'." Vingt euros en poche, le jeune homme file à Lyon. Le "monsieur de l'OL" n'y paraîtra jamais...
Des témoignages de jeunes footballeurs africains trompés, abandonnés, naufragés en France, Jean-Claude Mbvoumin en a recueilli plus de 600 depuis qu'il a fondé l'association Culture foot solidaire en 2000. "Rien qu'en Ile-de-France, ils sont des milliers, en situation irrégulière, à jouer pour se payer une carte orange, explique l'ancien international camerounais. Souvent, ils n'ont qu'un kebab pour seul repas mais ils continuent à s'entraîner."
"Il faut que la FIFA (Fédération internationale de football) et l'UEFA (Union européenne de football) se saisissent des vrais sujets, exhorte M. Mbvoumin. Notre problème, ce n'est pas le racisme, c'est l'exploitation pure d'enfants par des mercenaires." Selon l'UEFA elle-même, des "agents véreux" opérant pour des clubs européens de division inférieure se livreraient à de véritables trafics d'enfants. De jeunes africains d'à peine 10 ans seraient envoyés illégalement dans des "camps d'entraînement" au sud de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal pendant des mois avant d'être revendus à des grands clubs. "Nous sommes prêts à sanctionner les agents ou les clubs qui seraient impliqués dans ces trafics, assure-t-on à l'UEFA. Mais c'est aux Etats, que nous avons alertés, de mener des enquêtes contre les canaux d'immigration clandestine."
Pour le géographe Raffaele Poli, chercheur au Centre international d'étude du sport (CIES) de l'université de Neuchâtel, en Suisse, et spécialiste des migrations internationales des footballeurs, les joueurs africains sont victimes d'un système purement spéculatif. "Le footballeur africain est une matière première qu'on va chercher dans l'espoir de la qualifier pour la revendre plus cher, explique le chercheur. Pour accroître leur valeur, poursuit-il, on fait d'abord transiter les footballeurs africains par des championnats de troisième (Roumanie, Albanie, Chypre, Malte) puis de seconde zone (Suisse, Belgique ou Pays-Bas) avant de les revendre aux grands clubs professionnels." Le géographe note par exemple que les Ghanéens sont surreprésentés en Roumanie et les Nigérians en Albanie. En 2003, les joueurs africains représentaient 20 % des 5 000 étrangers évoluant dans des clubs professionnels ou semi-professionnels européens. "Au niveau européen, les joueurs sont utilisés comme une main-d'œuvre bon marché et subalterne." Récemment, le club de l'Ajax Amsterdam a été condamné à une amende de 10 000 euros par l'inspection du travail : il payait ses joueurs africains en dessous du salaire minimum.
Jean-Claude Mbvoumin parle, lui, d'une "sorte de blanchiment des joueurs". Financier, mais aussi administratif. Pour détourner les règles de la FIFA — qui interdisent les transferts internationaux des joueurs de moins de 18 ans et prévoient des indemnités pour les clubs formateurs — les agents ou les clubs prédateurs changent le nom ou l'âge des joueurs. "Le football consacre le rêve migratoire africain", analyse Raffaele Poli.
Lors d'un stage de préparation à Abidjan, le chercheur a demandé aux 24 membres de l'équipe de Côte d'Ivoire des moins de 17 ans lesquels d'entre eux seraient disposés à partir en Europe sans être payés. Tous, sans exception, se sont portés volontaires. Vingt-trois ont précisé qu'ils seraient même prêts à payer pour tenter l'aventure. "On utilise même le mirage du football pour organiser de véritables traites", ajoute le chercheur. Le géographe a ainsi observé que des enfants à qui on promettait des carrières de footballeur en Europe se retrouvaient parfois domestiques en Côte d'Ivoire, au Cameroun ou au Maroc, victimes de réseaux plus ou moins mafieux.
La difficulté est que le sentiment de culpabilité est très fort chez les victimes des marchands de footballeurs. Les intermédiaires ont souvent honte de leur échec et les familles ont souvent sollicité cet exode. En Côte d'Ivoire, raconte Raffaele Poli, si le jeune n'a pas réussi, c'est qu'il a été paresseux et n'a pas tout mis en oeuvre pour réussir. "Mes tuteurs se sont saignés pour que je parte en étant persuadé que je reviendrais avec le triple d'argent, témoigne Jean. Si je retournais dans mon pays les mains vides, je me ferais lyncher, et ils ne croiraient pas à mon histoire."
Avec le soutien du directeur technique national (DTN) du football français, Aimé Jacquet, Culture foot solidaire essaie de sensibiliser les clubs au sort des jeunes footballeurs africains pour faciliter leur intégration dans les centres de formation. Mais pour le président de l'association, "c'est prioritairement aux familles qu'il s'agit de s'adresser. Il faut les sensibiliser pour qu'elles cessent de confier leurs gosses à des agents sans scrupule", explique Jean-Claude Mbvoumin. " Pour convaincre une famille africaine de laisser filer leur progéniture, 3 000 à 4 000 euros suffisent", estime l'ancien "Lyon indomptable ".
Depuis 2001, l'Académie culture foot de Kribi, au sud-ouest du Cameroun, offre des activités sociales et civiques à une centaine de garçons et filles âgés de 8 à 18 ans et passionnés de football. L'association projette de développer des maisons des jeunes footballeurs (MJF), des centres de ressources destinés à informer jeunes, parents et éducateurs des clubs africains des dangers de l'exil européen. Une MJF est prête à sortir de terre au Cameroun et des pays comme la Tunisie, la Côte d'Ivoire, la Guinée ou le Gabon manifestent leur intérêt pour le projet.
Jean, qui rêve, sans trop y croire, à une régularisation de sa situation, est pessimiste : "Tant que les autorités africaines laisseront sévir les pseudo-agents, les choses ne changeront pas. Mais comme ils soudoient tout le monde, elles continueront à les laisser faire leur traite."
Article à rapprocher de ça
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-732931,0.html La FIFA réclame "plus de respect" envers les joueurs africains
et surtout de ça :
http://www.footpro.fr/communiques/detail_communiques.asp?id=4850http://www.footpro.fr/decisions/detail_decisions.asp?id=854&rubrique=Commission%20de%20S%E9curit%E9Citation:
Frédéric Thiriez a rappelé que la sécurité, l'éthique et le fair-play font partie des chantiers prioritaires de la LFP et qu'il se sent moralement responsable de ce qui se passe dans les stades de Ligue 1 et 2.