Vendredi 20 mai, au Café des Palmes, Gilles Jacob a remis les insignes d'Officier des Arts et des Lettres à l'actrice américaine Sharon Stone.

"Chère Sharon, pardonnez-moi si je commence par des reproches, mais je suis jaloux !
La première fois que je vous ai vue au cinéma c'était dans le train de Stardust Memories. Vision trop brève. Mon dieu, comme le train en a mis du temps pour arriver à Cannes !
Mais tout à coup, vous voilà ! Nous sommes en 1992, j'ouvre le festival avec Basic Instinct, avec Michael Douglas et Sharon Stone.
The next day, you are Sharon and the world is stone.
En 1995 vous cassez les vieux codes du western dans Mort ou Vif, et aujourd'hui il vous suffit de dix minutes dans Broken Flowers pour réveiller la nostalgie de Bill Murray et plus encore la nôtre... Car votre simple apparition dans un film est une promesse de subversion et d'embrasement.
Mais je suis malin ! En 2002, je vous garde prisonnière dix jours entiers pour moi seul - ou presque : vous êtes au Jury David Lynch et chaque soir le même miracle se produit : vous montez les marches et c'est nous qui ne touchons plus terre. Vos personnages sont si fascinants qu'ils nous troublent jusqu'à l'angoisse et que le monde entier se prend à rêver de pic à glace. Vous faites perdre la tête aux mafieux les plus endurcis. Vous êtes tour à tour dominatrice ou brisée, cérébrale et sensuelle, humble mère de famille, espionne intrépide, justicière qui joue du colt comme de son regard d'ange. Dans chacun de vos rôles vous distillez ce parfum d'ambiguïté, cette fêlure qui évoque irrésistiblement Ava Gardner, une des seules capables comme vous de jouer toute la gamme des apparentes contradictions.
A la ville, vous êtes notre comtesse aux pieds nus (les vôtres sont adorables), et vous savez mettre votre notoriété et votre brillant esprit au service de causes humanitaires et politiques. Engagée et militante, vous avez comme nulle autre la remarquable faculté de savoir manier la provocation de toute votre intelligence.
Mais je m'enflamme. Comme à chaque fois que je vous vois.
Si seulement Hitchcock, Lubitsch et Hawks vous avaient connue, Carole Lombard aurait pu toujours courir.
Car si vous n'existiez pas, le jaloux que je suis vous aurait inventé. Et vous aurait gardé pour lui tout seul.

Sharon Stone, au nom du ministre de la Culture et de la Communication, nous vous faisons Officier des Arts et Lettres."


En retour, l'actrice a tenu à exprimer sa reconnaissance envers le cinéma français :

"Lorsque mon pays dit que je suis dangereuse, votre pays m'ouvre les bras (...) Ce n'est un secret pour personne, j'ai le coeur d'une Française. Au fil des années, j'ai partagé votre amour des belles choses. Plus encore, je me suis imprégnée de l'esprit français, de la liberté véritable, pure et profonde de la créativité artistique qui est l'épine dorsale du cinéma français. "