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La Chronique Agora
Paris, France
Jeudi 27 Septembre 2007
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Bill Bonner, co-fondateur de La Chronique Agora, à Londres
*** BIENVENUE AU PAYS DU SUBPRIME
** Bienvenue au Pays du Subprime, cher lecteur.
* C'est ainsi que Stephen Roach l'a formulé. L'économiste de Morgan Stanley était dans les journaux hier, expliquant pourquoi la chute du dollar est une mauvaise nouvelle. Exprimé le plus simplement possible, un dollar faible signifie qu'il faut plus de dollars pour acheter des choses sur le marché. Cette année, par exemple, les Américains achèteront probablement pour environ 2 500 milliards de dollars de biens à l'étranger. Ils en auraient bien plus pour leur argent si le dollar était plus fort. Plus spécifiquement, si le dollar valait encore ce qu'il valait en 2002, ils obtiendraient 20% de plus. En d'autres termes le dollar a perdu 20% de sa valeur -- par rapport à la plupart des devises étrangères -- au cours des cinq dernières années.
* Par rapport à d'autres choses, elles aussi importées de l'étranger, le dollar a perdu encore plus de valeur. Le zinc a grimpé de 60% rien qu'au cours de l'an dernier. Le nickel a pris 125%. Sur les cinq dernières années, le pétrole a augmenté de 158%. Le blé est 126% plus cher. Le dollar atteint des planchers par rapport à l'euro.
* Les Américains qui croient que la politique d'argent facile de la Fed sauvera l'économie devraient y réfléchir à deux fois. Les baisses de taux d'intérêt sont censées rendre le crédit plus abondant. Mais plus de crédit, selon nous, c'est précisément ce dont l'économie US n'a pas besoin.
* Au cours des 18 prochains mois, environ 2,5 millions de ménages risquent d'être affectés par le réajustement des taux de prêts hypothécaires. Le total de ces prêts se monte à environ 250 milliards de dollars. Pour commencer, pensez d'abord à cela : si le dollar était encore à son niveau d'il y a cinq ans, les Américains pourraient épargner environ 500 milliards de dollars sur leurs achats étrangers -- en une seule année ! La valeur de tous les actifs américains est d'environ 50 000 milliards de dollars. Une baisse de 20% équivaut à une perte de richesse se montant à 12,5 milliers de milliards de dollars... c'est presque comme si toutes les entreprises cotées aux Etats-Unis avaient fait faillite.
* Les baisses de taux de la Fed sont censées éviter une récession... pour que les Américains ne s'appauvrissent pas. Mais la baisse du dollar les rend plus pauvres quoi qu'il arrive.
* A présent, réfléchissez à cela : la plupart de ces prêts immobiliers subprime seront réajustés -- non pas en se basant sur les taux de la Fed, mais sur le London Inter-Bank Lending Rate. Et les taux des prêts de long terme ne sont pas les mêmes que ceux de court terme. Lorsque la Fed baisse les taux, elle signale aux prêteurs que l'inflation va augmenter. Cela fait grimper les taux des prêts de long terme -- comme les prêts immobiliers. Donc lorsque la Fed a annoncé la baisse la semaine dernière, les taux longs ont en fait augmenté de près de la moitié du demi-point de pourcentage retiré par la Fed. A présent, selon le Financial Times, le prêt immobilier subprime moyen sera réajusté à un taux de 10% -- une énorme augmentation des dépenses mensuelles pour le malheureux propriétaire.
** Pendant ce temps, une telle quantité d'indicateurs négatifs nous parvient, dans les bureaux de la Chronique, que nous commençons à ressentir le besoin d'appeler un exorciste. Une récession est-elle en chemin ? Il nous semble qu'elle a déjà commencé :
* Les stocks de maisons sont à un sommet de 18 ans. Les ventes (reventes) de maisons sont à un plancher de cinq ans. Les prix de l'immobilier, selon Case/Shiller, ont chuté dans les 20 plus grandes villes américaines le mois dernier -- de 3,9%. Les retards de paiements dépassent de loin la moyenne historique. Plus de 150 organismes de prêt immobilier ont mis la clé sous la porte.
* Faisons une petite pause.
* Alors que la valeur de l'actif numéro un des Américains est en train de baisser, leurs dépenses grimpent. Et il nous semble qu'elles vont grimper encore beaucoup plus. Pourquoi ?
* Rappelez-vous qu'une guerre des préfixes est en cours. Il ne fait aucun doute que nous vivons dans un monde "-flationniste". Mais quel genre de "-flation" ? "In" ou "Dé" ? Chaque fois que nous abordons la question, nous hésitons. Mais à présent, nous pouvons vous donner une réponse définitive : les deux.
* La "-flation" du marché immobilier devrait clairement commencer par un "dé". Et il en va de même pour toute l'économie subprime des Etats-Unis. Oui, cher lecteur, il s'agit bien d'une économie subprime. Comme le propriétaire subprime, l'économie US toute entière a trop de dettes et un style de vie qu'elle ne peut pas se permettre. Le grand geste de la Fed -- offrir plus de crédit -- a fière allure à la télévision. Les lourdauds qui regardent Jim Cramer doivent adorer ça. Mais cela ne fait pas disparaître la dette... cela ne peut pas vraiment mettre fin à l'inévitable déflation des actifs financiers américains... et cela augmente en fait la pression qui pèse sur les ménages moyens, parce que cela contraint les prix à grimper.
* L'économie américaine dépend à présent des consommateurs ; jamais une économie n'a tant dépendu des dépenses de consommation. Près de trois dollars sur quatre du PIB américains sont constitués par des dépenses de consommation.
* A suivre...
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La Chronique Agora
Paris, France
Vendredi 28 Septembre 2007
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*** LES CHINOIS SE SENTENT POUSSER DES AILES
** La semaine dernière, les ventes au détail US ont chuté de 1%. Les consommateurs américains aimeraient dépenser. Mais où vont-ils trouver l'argent ?
* Les recettes fiscales sont en baisse aussi. Toujours aux Etats-Unis, les chiffres de l'emploi pour août montrent que les emplois disparaissent. Et les 1,3 millions agents immobiliers du pays doivent voir leurs revenus chuter.
* Pendant ce temps, du côté "in" du champ de bataille "-flationniste", les forces nourrissant la hausse des prix gagnent elles aussi en puissance de feu.
* Dans USA Today, un article nous annonce que le chauffage, cet hiver, coûtera en moyenne 10% plus cher que l'an dernier pour une famille moyenne.
* Les matières premières "grimperont en flèche", selon notre vieil ami Jim Rogers. Parce qu'à présent, le monde a changé. Tous ces millions de gens en Asie qui étaient prêts à travailler pour des salaires si bas deviennent à présent des consommateurs. Et qu'est-ce qu'un consommateur consomme ? Du nickel... du cuivre... du blé... du soja...
* "L'inflation rôde à l'horizon mondial", déclarait un titre du International Herald Tribune. "La mondialisation...", déclare l'article, "reprend certains des avantages qu'elle avait octroyés à l'Europe et aux Etats-Unis au cours de la décennie passée, et la hausse des prix se fait de plus en plus probable".
* Oui, très cher lecteur, le monde tourne... et tourne... et tourne encore. Chaque fois que vous avez le soleil en plein visage et le vent dans le dos... quelque chose se passe. Le monde tourne. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le ciel est aussi sombre que de la poix... et une tempête vous souffle dans la figure.
* Le malheureux pays du subprime a eu tant de chance pendant tant de temps. Quel dommage que le monde doive tourner. A présent, il semble en être au crépuscule d'une ère magnifique -- quoique absurde... Une ère au cours de laquelle les Américains on pu dépenser de l'argent qu'ils n'avaient pas sans avoir à se soucier de ce qui se passerait ensuite. A présent, ils le découvrent. Et ils se trouvent dans la pire situation possible -- coincés entre deux préfixes comme un petit mot dans un gros dictionnaire. La déflation coupe le souffle de l'économie des Etats-Unis et la valeur de leurs actifs. L'inflation, pendant ce temps, augmente le coût de tout ce qu'ils achètent.
* Lorsque la mondialisation en était encore à ses débuts, c'était parfait pour les pays riches. Ils pouvaient délocaliser l'industrie et tous les secteurs gourmands de main d'œuvre. Même à domicile, ils pouvaient importer -- ou au moins faire traverser la frontière -- des millions d'étrangers pour faire le sale boulot. Les marges ont grimpé tandis que les coûts de main d'œuvre baissaient. Et même si le prix des matières premières était à la hausse, la baisse des coûts salariaux compensait largement.
** Mais cette damnée planète... elle continue de tourner ! A présent, les Asiatiques ont un peu d'argent en poche, et ils se sentent pousser des ailes. Ils veulent acheter NOTRE pétrole... notre blé... notre nickel... notre cuivre... et notre bœuf. Si bien que les prix grimpent.
* NOS prix.
* Et maintenant, imaginez ça : les producteurs chinois annoncent que leurs coûts de main d'œuvre augmentent aussi. "Cette évolution", rapporte l'International Herald Tribune, "était attendue de longue date en Chine ; elle s'est accélérée alors que les régions côtières, qui regorgent de travailleurs bon marché, commencent à ressentir le manque de main d'œuvre".
* Oui, ces millions de bosseurs asiatiques... que nous avons eu la magnanimité d'employer dans des ateliers sans chauffage pour 1 $ de l'heure... voilà qu'ils veulent plus d'argent ! Quelle insolence.
* Les ingrats ! Si les Occidentaux n'étaient pas prêt à s'appauvrir en achetant des choses qu'ils ne peuvent pas se permettre -- et dont ils n'ont d'ailleurs pas vraiment besoin -- avec de l'argent qu'ils n'ont pas, les Chinois seraient toujours à travailler dans des rizières.
* C'est comme ça que vont les choses, cher lecteur.
* Le dollar baisse... avec la valeur de quasiment tous les actifs liés aux les Etats-Unis ou libellés en dollars. Les actions. Les obligations. Les salaires. Les maisons. C'est de là que provient le "dé" de déflation.
* Mais ça pourrait être pire. En fait, c'est pire. Il y a aussi l'autre sorte de "-flation". A présent, les Américains vont devoir payer plus pour tout -- l'énergie, la nourriture le logement... et tous ces gadgets idiots provenant d'Asie.