Hop les mains pris dans le bol de confiote...
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PLUS USA: Bear Stearns, la partie émergée de l'iceberg?
Justin Lahart et Aaron Lucchetti,
THE WALL STREET JOURNAL
La déroute des deux fonds spéculatifs de Bear Stearns Cos. (BSC) la semaine dernière alimente la crainte à Wall Street que certains investissements sophistiqués et peu répandus jusqu'ici ne finissent par tourner mal, entraînant à terme une baisse généralisée du marché.
Les fonds Bear Stearns en question, qui réunissaient des investisseurs particuliers fortunés, d'autres fonds spéculatifs et certains dirigeants de la banque d'investissement américaine, illustrent l'engouement récent pour les actifs très peu liquides tels que les options exotiques, les autoroutes, ou encore les forêts.
A la différence des actions et des obligations échangées sur un marché réglementé, de tels actifs ne peuvent être achetés ou vendus rapidement, ce qui rend difficile une estimation précise de leur valeur. Les gérants de fonds ont donc toute latitude pour fixer la valeur de ces actifs, et ne sont souvent guère diserts sur les détails de leurs opérations en la matière.
Les deux fonds de Bear Stearns, High-Grade Structured Credit Strategies Fund et High-Grade Structured Credit Strategies Enhanced Leverage Fund, se sont retrouvés en difficulté lorsque la baisse de certains pans du marché immobilier a mis à mal les paris engagés par les fonds sur certains titres complexes adossés à des crédits hypothécaires à surprime, en d'autres termes les crédits accordés à des acheteurs peu solvables.
Ces titres sont rarement échangés, ce qui fait qu'il est difficile de les céder sans encourir de lourdes pertes. En outre, les fonds en question, et particulièrement le Enhanced Leverage Fund, avaient massivement recours à l'emprunt pour augmenter la rentabilité de leurs investissements. Mais lorsque les choses tournent mal, comme récemment, ce sont les pertes qui se retrouvent amplifiées par cet effet de levier.
Après des années de taux d'intérêt particulièrement bas, les investisseurs disposant d'abondantes liquidités ont eu tendance à se précipiter vers les placements peu liquides afin d'optimiser leurs retours sur investissement. A tel point que certains experts s'inquiètent aujourd'hui de la popularité grandissante de ce type de placements très risqués, qui deviennent de plus en plus en grand public.
L'année dernière, les fondations privées, qui figurent parmi les inverstisseurs américains les plus riches, avaient investi près du quart de leur portefeuille dans des placements peu liquides, selon le cabinet de conseil Greenwich Associates. Ces institutions peuvent se permettre le luxe d'attendre si leurs investissements présentent une rentabilité à long terme intéressante. Mais d'autres types d'investisseurs, qui dépendent de créanciers plus nerveux, n'ont malheureusement pas cette faculté.
"La plupart des investisseurs se concentrent sur la rentabilité attendue au lieu de se préoccuper du risque", commente Leon Metzger, professeur à Yale et à Columbia spécialisé dans la gestion des fonds spéculatifs.
Le cas des fonds Bear Stearns montre comment une stratégie de gain à court terme peut déraper lorsque des fonds détiennent des actifs difficiles à évaluer. La semaine dernière, la maison-mère Bear Stearns a finalement dû voler au secours de l'un de ces fonds en lui accordant en urgence une ligne de crédit de 3,2 milliards de dollars.
Cette crise fait redouter à Wall Street l'apparition de problèmes similaires dans d'autres fonds recourant aux mêmes types d'investissements, au moment où les gérants de fonds réévaluent la valeur de ces placements. Ces inquiétudes ont d'ailleurs contribué à la chute de 279,22 points, soit 2,1%, de l'indice Dow Jones la semaine dernière.
Les fonds spéculatifs font partie des institutions payées à la performance, ce qui les incite à évaluer leurs positions de manière très aggressive, estimant souvent leurs actifs à leur valeur maximale. Plus la valeur des actifs inscrite dans leurs comptes est élevée, plus la rémunération reçue par le gérant de fonds de la part des investisseurs sera importante.
La combinaison d'une absence de liquidité et d'un effet de levier important s'est révélée un élément déterminant dans le déclenchement des crises financières. L'effondrement de Long-Term Capital Management, qui a eu des répercussions sur les marchés mondiaux de capitaux en 1998, a ainsi été provoqué par l'incapacité du fonds à dénouer des positions à fort effet de levier.
A l'automne dernier, le fonds spéculatif Amaranth Advisors LLC a perdu quelque 6 milliards de dollars en un temps record en raison d'un retournement imprévu du marché du gaz naturel et des paris complexes utilisés par Amaranth pour augmenter sa rentabilité. Début 2007, Bank of Montreal a perdu plus de 560 millions de dollars en pariant sur la volatilité des cours du gaz naturel.
Pourtant, les investisseurs sont de moins en moins effrayés par les placements illiquides, qu'ils perçoivent justement comme plus liquides que par le passé, grâce au bas niveau des taux d'intérêt et à l'afflux d'épargne en provenance des pays exportateurs de pétrole, qui doivent recycler leur important excédent commercial avec les Etats-Unis. De plus, grâce à des instruments financiers sophistiqués, le risque inhérent à ce type d'actifs peut être réparti sur plusieurs centaines d'acteurs, ce qui le rend plus facilement supportable.
Cette évolution révèle néanmoins une victoire de l'appât du gain sur la peur du risque. Le recours à l'effet de levier permet aux investisseurs de maximiser leurs rendements sans immobiliser un capital important, en détenant ce qui ressemble en apparence à des placements prudents comme des emprunts hypothécaires.
Toutefois, lorsque les marchés se retournent, comme ce fut le cas à plusieurs reprises récemment, la rentabilité accrue obtenue au moyen de l'effet de levier se transforme en lourde perte. Pour les fonds qui utilisent un effet de levier massif, nul besoin d'une forte chute du marché pour que s'évapore une part importante de la valeur de leur portefeuille.
Le cas des fonds Bear Stearns démontre également la grande liberté dont font preuve les fonds pour évaluer leurs actifs peu liquides. Le mois dernier, le Enhanced Leverage Fund avait estimé à 6,75% la diminution de la valeur de son portefeuille en avril. Par la suite, il a révisé ce chiffre à la baisse et estimé sa perte à 18%.
La principale crainte de Wall Street aujourd'hui est qu'un nombre important d'acteurs puissent être affectés par des problèmes similaires et qu'ils soient finalement contraints de liquider leurs actifs en essuyant de lourdes pertes, afin de rembourser des créanciers impatients.
-Justin Lahart et Aaron Lucchetti, The Wall Street Journal