Pour vous faire profiter du superbe travail de Elberre, match après match, je poste désormais les résumés (romans ?) sur le forum pour une plus grande visibilité.
Que les lecteurs assidus de la presse sportive nous pardonnent pour ce titre que d’aucun qualifierait de « pompeux » voire « bateau », et qui barre généralement la Une des quotidiens pour les grandes occasions, la débâcle d’un grand club ou une déroute nationale (style élimination d‘un Mondial au premier tour…), particulièrement prisé lors des coupes du fait de sa polysémie. Pas de jeu de mots ici, l’adjectif est surtout à prendre dans son sens littéral: « qui ne peut être qualifié, nommé »… Et pour cause, le télescopage de sentiments qui se dégage d’un tel match, un tel renversement de scénario doit laisser hagards l’ensemble des Brestois, euphoriques les Guingampais, mais aucun des deux côtés ne saura trouver le mot adéquat pour relater une soirée qui aura peut-être au moins l’effet de rassembler tout le monde par son caractère inexprimable.
S’il n’y avait pas d’élimination directe à la clé, que l’on ne s’y trompe pas cependant, c’était bel et bien un grand moment: le derby qui déchire les passions en Bretagne, dans un stade archi-comble à guichets fermés malgré le temps… breton , et accessoirement l’occasion d’enterrer un concurrent direct au maintien pour se donner de l’air par rapport aux relégables. Bref, autant de raisons de sortir le match de l’année pour les deux équipes ! A défaut, chacune d’elles aura sans doute produit alternativement au cours des deux mi-temps le meilleur et le pire de ce qu’elles sont capables de faire, pour ce que l’on n’espère pas être, côté brestois, une tragique croisée des chemins !
TROP BEAU POUR ÊTRE VRAI ?
Ainsi, on ne pouvait que se réjouir de voir un stade plein presque une demi-heure avant le coup d’envoi et donnant de la voix comme jamais, rivalité avec le kop guingampais oblige, mais également capable de respecter une minute de silence en la mémoire du « grand entrepreneur breton » (J. Le Gall) Alexis Gourvennec. Pourtant, tifos éclatants et banderoles piquantes (« Pas de pitié, tuez-les » / « Brestois, tu saurais épeler ton Q.I ? ») des deux côtés venaient rappeler la rivalité entre les deux clubs, exacerbée par l’enjeu.
Les locaux semblaient mieux s’accommoder de cette pression pendant les premières minutes, et prenaient bien le match en main: Liabeuf inquiétait Debès sur un coup-franc enveloppé, et d’une volée du gauche sur un centre de Bourgis qui passait de peu au-dessus (4ème); et les premiers enchaînements collectifs, à ras de terre, sous l’impulsion du pivot Socrier mettaient en difficulté les Guingampais. L’enthousiasme et la détermination étaient présents, peut-être trop, à l’image d’un Poulard qui manquait son intervention sur Soumah, mais le coup-franc lourdement frappé à ras de terre par Rivière trouvait la main ferme d’Elana (10ème).
De bonnes intentions donc, qui allaient pourtant être vite « douchées » par un véritable déluge qui noyait Francis-Le-Blé pendant de longues minutes, obligeant les moins téméraires à aller s’abriter sous les gradins de Foucauld, et qui, sur la pelouse, rendait inefficientes les passes trop appuyées des Brestois. Guingamp profitait de ce répit pour placer quelques contres, qui n’inquiétaient toutefois pas Elana (22ème, 26ème). Ce seront les derniers soubresauts des visiteurs au cours de cette première période, qui allait devenir un véritable calvaire pour eux.
Car la grosse averse passée, les « Rouges et Blancs » passaient à la vitesse supérieure, et c’étaient à présent des ballons qui allaient pleuvoir sur la cage de Debès. Les corners commençaient à se multiplier, et Bigné trouvait dans un première temps la reprise trop décroisée de Poulard (27ème), puis la tête de Socrier, légèrement déviée, qui échouait au ras du poteau (31ème). Guingamp ne ressortait plus le ballon, et les percussions de De Carvalho et Socrier côté droit s’enchaînaient. Sur l’une d’elles, le remuant Basile adressait un centre tendu dans les seize mètres que manquait Socrier, mais pas Liabeuf, qui échappait à Leuguen pour battre en deux temps le portier guingampais (1-0, 32ème).
Poussés par l’euphorie collective, les hommes de Guégan repartaient de plus belle à l’attaque, et dans la minute qui suivait, De Carvalho faussait de nouveau compagnie à la défense costarmoricaine, obligeant Le Lan à un plaquage désespéré sur le Sénégalais qui s’en allait défier le dernier rempart guingampais. Le penalty qui s’en suivait était botté par Socrier en plaine lucarne sur la gauche d’un Debès pris à contre-pied (2-0, 34ème).
Deux buts en deux minutes, Guingamp au fond du trou, tous les résultats du jour en sa faveur et donc une virtuelle treizième place et cinq points d’avance sur le premier relégable… Tout cela était-il trop beau pour les Stadistes ?
LA METAPHYSIQUE A L’EPREUVE
Trop beau ou surtout trop réel ? Trop rapide ou trop facile ? Aujourd’hui et sûrement pendant longtemps encore, on n’a pas fini d’explorer toutes les méandres de la métaphysique footbalistique à grands coups de questions existentielles (Pourquoi ? Comment ?) ou de clichés éculés (du sacro-saint « match jamais fini avant les trois coups de sifflet » au « ils n’avaient plus rien à perdre » en passant par la fameuse « peur de gagner« ), ou comment le constat de l’incommunicabilité se heurte a une vaine recherche de causes et d’ effets incalculables ayant contribué à façonner un axiome plus que centenaire pouvant de résumer sous une formule du type « Eh beeen, c’est l’foot quoâ».
On ne vous cache donc pas qu’il s’agit certainement du match le plus complexe à analyser de la saison, ou plus précisément de la mi-temps la plus inexprimable. Mais puisqu’il nous faut bien rendre un compte-rendu en temps et en heure raisonnables, on ne se lancera pas dans une thèse philosophico-psychologique qui s’annoncerait des plus scabreuses. Avant même tout décorticage des coachings ou autres discours, on peut ainsi partir de constats simples. Brest avait le match en mains. Brest aurait pu profiter de l’euphorie pour passer d’autres buts à une équipe de Guingamp qui était au plus mal avant la mi-temps. Brest ne l’a pas fait. Bien mal lui en a pris.
Car au retour sur la pelouse, allez savoir pourquoi, Brest a cru pouvoir gérer le score à sa guise pendant quarante-cinq minutes et, erreur fatale, s’est arrêté de jouer. Complètement. Exactement le même genre de passage à vide qu’à l’heure de jeu contre Bastia, mais sur toute une mi-temps. La métamorphose déconcertante d’une équipe à présent amorphe, engluée dans ses trente mètres, incapable de ressortir le moindre ballon, d’assurer trois passes consécutives et de gagner le moindre duel ne pouvait dès lors honnêtement faire croire à personne dans les gradins qu’elle maintiendrait son avance très longtemps. Les supporters guingampais l’ont compris bien vite, continuant de donner de la voix, tandis qu’un doute pernicieux commençait à contaminer les travées brestoises, de plus en plus silencieuses.
L’ INELUCTABLE RETOUR
Dans cette atmosphère soudainement fébrile, la réduction du score fut donc tout sauf une surprise. Déjà prise de panique sur un corner rentrant de Soumah que De Carvalho avait laissé filer au premier poteau (58ème), la défense brestoise se faisait limpidement prendre à défaut sur un centre au second poteau de Jouffre que Rivière poussait au fond d’une reprise taclée dans un angle mal fermé par Elana (2-1, 63ème).
Un but qui allait de toute évidence sonner un réveil… Mais point de réaction d’orgueil de locaux aux jambes devenues de mousse, ce fut une révolte somme toute presque naturelle des Guingampais, qui trouvaient un contexte idéal pour évacuer une frustration récurrente, notamment dans les fins de match et à l’extérieur (une seule victoire et quatre petits buts marqués hors de leurs bases jusqu’alors…): un derby, traditionnellement en leur défaveur qui plus est, une opposition devenue inexistante, incapable de la moindre réaction; au diable les complexes ! Et bonjour la réussite: après une touche sur Sitruk, Leuguen avait tout le temps de centrer plein axe, et le ballon repoussé revenait tranquillement sur un Shereni absolument seul aux vingt-cinq mètres, qui expédiait un missile du gauche hors de portée d’Elana (2-2, 70ème).
Qui, honnêtement, pouvait dans les rangs brestois, se déclarer surpris ? Depuis la prise d’élan de l’imposant zimbabwéen, depuis le début de l’action, depuis le début de la mi-temps même, on sentait, on voyait arriver cette égalisation ! Et au vu du désastre qui était en marche, de la faillite collective, physique et surtout mentale des locaux, tout le monde ou presque côté finistérien aurait à ce moment-là signé pour ce petit point qui aurait presque eu l’air de sauver les meubles. Mais les vingt minutes qui restaient allaient assurément être suffisantes aux hommes de Patrick Rémy pour se jeter à l’abordage et emporter la mise. On n’y a pas coupé.
Si Rivière voyait Bourgis lui ôter un centre de Sitruk du bout du crâne (76ème), si Elana claquait in-extremis un corner rentrant de Soumah (80ème), le couperet n’était que retardé… Il allait tomber suite aux derniers changements: Mangani et Koscielny avaient à peine le temps de pénétrer sur la pelouse que Le Lan bottait un coup-franc du milieu du terrain vers les seize mètres brestois. Elana sortait de ses cages pour dégager des deux poings, mais se faisait devancé par Shereni, qui détournait la balle de la tête au fond du but déserté. (2-3, 82ème).
Le gardien brestois, héros du point ramené au match aller, passait cette fois lamentablement au travers, à l’instar de l’ensemble de ses coéquipiers. Il avait beau sortir encore un coup-franc des vingt-cinq mètres de Jouffre d’une belle envolée (88ème), le mal était fait, la débâcle totale, l’humiliation consommée. L’expulsion tardive de Rivière pour un deuxième avertissement n’y changeait strictement rien, pas plus que l’unique incursion brestoise dans les vingt mètres guingampais au bout du temps additionnel, et cette frappe lointaine désespérée de Charpenet (90+3). Debès pouvait prendre tout son temps pour dégager une dernière fois son camp, il y a longtemps que Brest avait renoncé à produire quoi que ce soit, même pour la forme.
Les Costarmoricains rendent donc la monnaie de leur pièce aux Brestois qui étaient allés les battre au Roudourou pour leur retour en deuxième division, et remportent donc leur premier succès en terre finistérienne depuis… une éternité, en ayant été bien aidés par des locaux qui auront tout fait pour les y aider, c’est-à-dire… rien ! Après avoir efficacement creusé l’écart en première période, Brest s’est complu dans une attitude de passivité totale, croyant sans doute plus ou moins consciemment avoir fait le plus dur. Mais on ne pourra qu’avancer des hypothèses, tant l’énormité de cet échec sur tous les plans laisse pantois. Le Stade Brestois avait sûrement l’occasion de régler définitivement ses comptes sur le terrain face à Guingamp, de faire un grand pas vers le maintien, de « lancer » sa saison (à douez matches de la fin…), de se rassurer avant un autre périlleux déplacement à Créteil, mais plus que tout, le Stade Brestois avait l’occasion de se réconcilier pour de bon avec son public. Mais le Stade Brestois a choisi le pire des moments, le pire des matches, pour passer à côté de son sujet de la pire des manières. Et là, à la lumière de ce contexte, « inqualifiable » s’éloigne de son sens littéral, pour se teinter a posteriori d’ indignation…
Stade Francis-Le-Blé.
Pelouse détrempée.
9508 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre: M. Viléo.
Temps additionnel: 5 minutes (1 + 4)
Avertissements: pour Brest: Guégan (55ème)
Pour Guingamp: Sikimic (35ème), Rivière (68ème, 86ème), Sitruk (94ème), Debès (93ème)
Expulsion: pour Guingamp: Rivière (86ème)
Buts pour BREST: LIABEUF (32ème), SOCRIER (34ème, P)
Buts pour Guingamp: Rivière (63ème), Shereni (70ème, 83ème)
BREST: Elana - Bourgis, Charpenet, Poulard, Stinat - Auriac (Bochu, 65ème), Guégan, Bigné, Liabeuf (Mangani, 81ème)- De Carvalho (Akpa Akpro, 70ème), Socrier.
Guingamp: Debès - Leuguen (Koscielny, 82ème), Martini, Sikimic, Le Lan - Jouffre, Shereni, Bisconti (Sitruk, 45ème), Robert (Caggiano, 45ème) - Rivière, Soumah.
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Dernière édition par Max le Ven 02 Mar, 2007 13:34, édité 1 fois.
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