Une chapelle du XV ème siècle incendiée à Saint Tugdual
[ABP] C'est dans la nuit de dimanche à lundi que les habitants de Saint Tugdual (56) ont été réveillés par l'incendie de la chapelle du XV ème siècle. Malgré l'intervention des pompiers et des riverains, le sinistre a détruit entièrement l'édifice qui était, notons-le en fin de rénovation. Les enquêteurs ont découvert sur les murs de la chapelle des inscriptions de type satanique comme le chiffre 666 et des croix à l'envers. Des statues ont été arrachées de leur socle et jetées sur les tombes du cimetière. Le préjudice monterait entre 400 et 500 000 € mais le patrimoine breton n'a bien sûr pas de prix.
L'inauguration de la Chapelle devait avoir lieu le 7 juillet prochain. La gendarmerie privilégie la piste criminelle et pourrait rapprocher la profanation de 63 tombes du petit cimetière de Saint Thurien (29) dans la nuit de mercredi à jeudi où également les enquêteurs ont constaté des inscriptions similaires à celles retrouvées à Saint Tugdual.
ABP/MLT
En Bretagne, les croisés du satanisme courent toujours
Ce week-end, Satan a encore visité la Bretagne. C'est la cinquième fois en dix jours. Les traces de son passage ont été retrouvées. Ici sur un calvaire, là dans un cimetière, ailleurs sur les murs d'une chapelle. Le diable et ses adeptes agissent en rase campagne dans un rayon d'une trentaine de kilomètres entre le Finistère et le Morbihan. Hier, c'est la chapelle de Saint-Guénaël, à Guiscriff, village du Morbihan, qui a été retrouvée une croix brûlée, un vitrail brisé et, sur les murs, des croix à l'envers et la fameuse inscription «666», signature du diable, dessinée au marqueur. A la recherche d'une «piste satanique», le capitaine de gendarmerie François Bernard et ses enquêteurs ont demandé aux maires des communes alentour de surveiller leurs édifices religieux pour signaler d'éventuelles dégradations.
Triple six. La tournée de Lucifer a connu son apothéose la semaine passée dans le village de Saint-Tugdual (Morbihan), avec l'incendie de la chapelle Saint-Guen dans la nuit de dimanche à lundi dernier. «I fuck your life for...», a-t-il été écrit sur le mur sud de la nef, les derniers mots de la proclamation ayant disparu, rongés par les flammes. Des croix de Saint-André ont été renversées et graffitées dans les niches. Sous l'autel, la plus grande a été signée du triple six. «C'est sans doute le bruit de l'éclatement des ardoises qui m'a réveillé. J'ai appelé les pompiers, raconte Pascal Le Corre, l'agriculteur qui a donné l'alerte en pleine nuit. Il y avait tellement de fumée que personne n'a vu tout de suite les statues renversées. Je me demande encore comment ils ont pu lancer un tel feu. Ils devaient être plusieurs. Cela fait froid dans le dos de penser à de tels sauvages à votre porte.»
La chapelle Saint-Guen, humble vaisseau de pierre qui se découpe dans le gris du ciel, avait été édifiée en 1540. Classée monument historique, elle a été littéralement décoiffée par l'incendie. Un cercle d'arbres imposants deux vieux chênes splendides, quelques châtaigniers plus malingres et deux puissants marronniers semble veiller sur la dépouille de granit. «Regardez-moi ce Saint-Michel ! Il n'a pas été touché ! Il a survécu à Lucifer ! Avec lui, nous allons relancer la légende et réécrire l'histoire !» s'exclame Guy Jaouët, 70 ans, maire de Saint-Tugdual. L'édile était si fier d'avoir réussi à monter le budget de réfection de cette charmante chapelle. «On avait calé une date pour l'inauguration : le 7 juillet. Les nouveaux vitraux étaient entreposés dans la sacristie, ils ont fondu. Il nous manque aussi une statue. Deux autres ont été partiellement calcinées. Mais le Saint-Joseph à l'enfant, nous allons le mettre sous verre, le transformer en relique, pour inscrire dans l'histoire cet incendie funeste.» Un message de Nicolas Sarkozy est arrivé à la mairie le lundi, au lendemain de l'incendie : «On va vous la refaire votre chapelle, et les coupables seront châtiés», cite de tête le maire Guy Jaouët.
Brasier. Brigitte Prédeval était seule avec sa fille cette nuit-là dans le manoir de ses parents, sur le coteau. Elle a filmé la chapelle en feu. Elle montre les images qui passent du noir à la couleur, un brasier du diable en haut de la colline. On l'entend pleurer : «Mais qu'est-ce qu'ils font les pompiers ? La chapelle est perdue !» Les gendarmes ont saisi une copie du document. Henri Goyalon, recteur de Saint-Tugdual, visage mangé par une barbe broussailleuse, pommettes rougies par le givre, l'oeil malicieux sous son béret basque, piétine les planches calcinées sur le sol : «C'est incroyable ! Seul l'ossuaire n'a pas brûlé ! C'est un signe. L'histoire perdure, et saint Michel nous ouvre l'avenir.»
Les seigneurs de Kersalic et de Kerminisy avaient édifié cette chapelle sur leurs terres. Leurs restes sont rassemblés dans cet ossuaire resté intact, modeste appentis accolé sur la face sud de la chapelle, petit cimetière entouré d'un muretin où ne subsistent que quelques tombes. L'une d'elles porte une croix blanche : un résistant de 17 ans a été enterré ici, sous cette dalle, où les satanistes ont posé la statue d'un saint, la tête en bas. «Ils sont complètement bidons, ces enfumeurs. Ils n'ont rien compris, commente Henri. Nous, le diable, on le convoque dans l'église, provoque-t-il. Pour mieux le tourner en dérision avant de l'affronter.»
Avant cette nuit de Saint-Tugdual, du 29 au 30 janvier, les satanistes avaient rôdé çà et là. D'abord quelques tombes retournées à Mellac (Finistère), puis des sépultures graffitées dans le village d'à côté, Saint-Thurien, cité de 900 habitants perchée sur une boucle de la rivière Isole. Ici, 63 pierres tombales sur 432 ont été marquées d'une croix de David renversée. Et encore, un «666» sur l'angle d'une tombe. «Inadmissible, incompréhensible, nous n'avons jamais eu de problème de vandalisme dans la commune», s'indigne le maire, Joël Derrien, 57 ans. Jean-Louis, paysan rebelle, ne comprend plus : «On n'a jamais vu autant de képis dans le coin. Trois brigades : c'est ça qu'ils cherchent les satanistes ! La remilitarisation de la Bretagne ! Et ce monde au cimetière, mieux qu'à la Toussaint, on peut dire qu'ils ont réussi leur coup !»
Marqueur. Mais, pendant que les familles se précipitaient pour vérifier si leurs sépultures étaient intactes, le diable continuait sa virée. Avec des inscriptions au marqueur retrouvées vendredi sur les murs de l'église de Lanvénégen (Morbihan), dont un carreau a été cassé. Et un calvaire brisé à Rosporden (Finistère), avec une croix noire peinte à l'envers.
Dans le Morbihan, sur les ruines calcinées, le curé de Saint-Tugdual invite le visiteur à aller jusqu'au village voisin de Kernascléden, où l'église recèle une fresque datant sans doute du XIIIe siècle. L'enfer y est illustré par une danse macabre, où tout le monde est invité. Rois, papes et évêques compris, dans un énorme chaudron, le jour du Jugement dernier.