Hélène Schrub, le coeur grenat du FC Metz
Arrivée au FC Metz à la fin de ses études, la directrice générale du club est la première femme à assurer cette fonction en Ligue 1.
Quand elle a signé, à 23 ans, son premier contrat avec le FC Metz, Hélène Schrub voulait simplement profiter de « l'occasion de connaître le milieu du foot professionnel ». Ses parents avaient grimacé à l'idée de voir la brillante étudiante, diplômée de Sciences Po Paris, débuter sa carrière comme attachée de presse d'un petit club de Ligue 2. Mais ça ne devait durer que deux ou trois ans, « le temps de trouver un vrai métier ». Quinze ans plus tard, l'ancienne stagiaire du club dirige au quotidien le FC Metz, sous le contrôle du président Bernard Serin, très pris par ses activités de chef d'entreprise.
Le « virus » du foot a piqué la bonne élève, major de sa promotion du Centre de droit et d'économie du sport de Limoges en 2006. « On ne s'en guérit pas, entre guillemets, aussi facilement, sourit la Lorraine, seule femme à occuper, en France, le poste de directrice générale d'un club de foot professionnel. Quand on arrive dans le foot, on découvre un métier qui vous offre des moments d'adrénaline dont vous savez que vous ne les retrouverez presque nulle part ailleurs. »
« Hélène comprend les choses très très vite, beaucoup plus vite que beaucoup »
Bernard Serin, président du FC Metz
Le club à la croix de Lorraine se distingue cette saison, mais en quinze ans l'ancienne stagiaire du service de communication a connu le lot de tourments réservés aux petits budgets du foot professionnel (60 M€ cette saison) : descente en Ligue 2 en 2007, montée ratée de peu en 2008, descente en National en 2012... « En National, c'était dur émotionnellement, professionnellement. On ne savait pas forcément ce que le FC Metz allait devenir », raconte Schrub.
Cette saison-là, « la pire année de l'histoire du club », Bernard Serin, président du FCM depuis 2009, réorganise l'organigramme et promeut celle qui était devenue la directrice de la communication au poste de secrétaire générale. « Hélène comprend les choses très très vite, beaucoup plus vite que beaucoup », glisse le président du conseil d'administration du groupe John Cockerill, actionnaire majoritaire du club.
Même dans le purgatoire du National, l'ancienne supportrice des Grenats ne s'imaginait déjà plus partir. « J'étais au FC Metz depuis six ans. C'était aussi une responsabilité. Une confiance qu'on nous donnait. Si on pouvait apporter notre modeste contribution au fait que le club puisse rebondir... » Dans un Championnat à moitié amateurs, sa contribution allait parfois assez loin. Durant toute la saison, l'ancienne élève de la rue Saint-Guillaume a assuré les commentaires des matches à l'extérieur pour la radio partenaire du club, Direct FM, dans « des conditions parfois abracadabrantesques. Je me souviens avoir commenté en direct un but de Thibault Bourgeois au stade Charléty, contre le Paris FC (2-0, le 26 avril 2013). Je ne suis pas sûre que j'aurais pu faire carrière là-dedans, mais j'ai adoré ».
Sollicitée par Eurosport, retenue par Molinari
Hélène Schrub a pourtant bien failli quitter Metz, après « deux ou trois ans », comme prévu initialement. Mais Carlo Molinari, le président historique du club (88 ans et désormais vice-président), l'a persuadée de rester. « Elle avait été contactée par un chasseur de têtes, Eurosport voulait nous la piquer. Je lui ai dit : "Ton futur est tracé, c'est ici que tu feras ta carrière et, tôt ou tard, tu seras amenée à prendre les rênes de cette maison." C'est une fille au-dessus de la moyenne, hyperintelligente. Discrète et en même temps avec de la personnalité, charismatique... »
À une époque où les directeurs généraux des clubs de L1 changent régulièrement, passant parfois d'une équipe à l'autre, Schrub est la garante d'une culture familiale devenue rare dans le monde professionnel. « Je la connais pratiquement depuis le moment où elle est entrée dans le club, raconte Bernard Serin. On a une relation de confiance. On a traversé des épreuves pas faciles, comme la descente en National ; on a dû batailler pour lancer des projets d'infrastructures (rénovation du stade, construction d'un nouveau centre d'entraînement...), trouver des équilibres financiers. Avoir traversé toutes ces crises, je crois que ça soude. »
« Vous lui laissez les commandes et vous savez que l'avion est bien tenu, qu'elle va éviter les turbulences »
Carlo Molinari, ancien président du FC Metz
Comme le président gère une entreprise de 6 000 salariés dont le siège est en Belgique, Schrub a un rôle beaucoup plus étendu que chez la plupart de ses homologues en Ligue 1. Elle le représente d'ailleurs à Paris « sur tous les sujets avec la Ligue et les autres clubs ». « Hélène, vous lui laissez les commandes et vous savez que l'avion est bien tenu, qu'elle va éviter les turbulences », image Molinari.
À Metz, la gestion du secteur sportif revient à Philippe Gaillot, ancien défenseur des Grenats, mais sous la tutelle de la directrice générale en charge de la partie financière. « Gaillot prépare les dossiers, mais ce n'est pas lui, le décideur. La décision finale, c'est à la fois Hélène et Bernard Serin », décode Molinari.
« Très ouverte, sympathique », selon Thomas Jeangeorge, qui commente les matches des Grenats sur France Bleu, Schrub pouvait s'amuser à échanger des passes en salle de presse quand elle s'occupait de la communication du club. À 38 ans, elle a toujours le sourire facile et des engouements juvéniles, comme sa Yamaha MT-07, une moto adaptée à son petit gabarit. Ce qui n'empêche pas qu'on lui prête « une certaine poigne ». « Même si elle ne le montre pas, c'est quelqu'un de sensible, une affective. En même temps, quand elle est dans son job, elle est assez exigeante, et les gens qui travaillent avec elle ne la voient pas toujours comme ça », décrit encore Molinari.
« Il y a encore un frein psychologique pour certains dirigeants de nommer des femmes à un poste de DG »
Hélène Schrub
Quand Bernard Serin lui a confié la direction générale, il y a presque cinq ans, il n'avait aucun doute sur sa capacité à s'imposer dans cet univers : « Elle a les épaules et le tempérament pour exister même quand le reste de l'assistance est masculin. » « Il y a encore un frein psychologique pour certains dirigeants de nommer des femmes à un poste de DG », déplore toutefois Schrub (Pauline Gamerre avait déjà joué ce rôle au Red Star en Ligue 2). Elle n'a cependant jamais ressenti une franche défiance dans le milieu du foot. « Je mettrais plutôt en parallèle le fait d'être la seule femme dans une réunion d'hommes avec le fait d'être la plus jeune. On sent un peu d'expectatives, mais rien de malveillant. »
Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football, l'a également sollicitée cet hiver pour faire partie de sa liste présentée à l'élection présidentielle, samedi. « Je n'ai jamais été partisane du "y a qu'à, faut qu'on"... Quand on vous donne, à une toute petite échelle, une occasion de donner votre vision du football, il faut la saisir. » Elle n'a pas oublié qu'elle s'entraînait d'ailleurs à quelques centaines de mètres du siège de la FFF, près du pont de Bir-Hakeim, quand elle a pris sa première licence de foot, durant ses études à Sciences Po.
Supportrice stressée
Elle assure encore qu'avec l'expérience, elle a appris à prendre du recul. « La glorieuse incertitude du sport, il faut l'intégrer, sinon vous ne pouvez pas travailler dans le foot. » Mais la gestion de la crise sanitaire ne lui a pas donné beaucoup d'occasions de mettre à distance les soucis du club. « Je n'arrive pas à faire les choses à moitié, donc je suis impliquée à 100 %, parfois malgré moi. »
Très stressée durant les matches, l'ancienne supportrice attend avec impatience la fin des travaux de la tribune sud du stade Saint-Symphorien pour trouver un coin où suivre les rencontres debout, loin des contraintes de protocole. « Avant les matches, j'ai du mal à manger. Pendant le match, j'ai du mal à parler... Quand on est à l'extérieur, je suis obligée par courtoisie de rester dans la corbeille, mais j'ai du mal à tenir... » Ça ne devait durer que deux ou trois ans..
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