A gauche gauche a écrit:
Il esquinte singulièrement le capital sympathie du FC Metz.
Son arrivée était loin de faire l'unanimité, et posait question.
France : Oukidja est-il devenu le meilleur gardien de Ligue 1 ?
En temps normal avec des stades pleins, vous pouvez entendre derrière votre écran les consignes – hurlées – des gardiens sur coups de pied arrêtés. En période de Covid-19 avec des arènes vides, leurs voix sont encore plus amplifiées. Et le week-end dernier face à l’Olympique Lyonnais, le gardien du FC Metz Alexandre Oukidja s’est montré une nouvelle fois très vocal et surtout décisif au cours d’une prestation aboutie lui ayant valu le fait d’être sélectionné dans le meilleur 11 de la journée.
Auteur de plusieurs arrêts spectaculaires, dont un en fin de match face à Houssem Aouar, le portier s’est vu complimenté par les médias et sur les réseaux sociaux. À tel point que certains Twittos l’ont étiqueté comme « meilleur gardien du championnat ». Surestimé ou vérité ?
Une éclosion tardive
Avant toute chose, il semble bon de rappeler le chemin semé d'embûches parcouru par Alexandre Oukidja. Après des débuts sommaires avec le FC Gueugnon en Ligue 2 fin 2005, il décide de rejoindre le LOSC. Dans le Nord, le natif de Nemours évolue au sein de l'équipe réserve pendant près de cinq ans avant de rejoindre l'Aviron bayonnais en janvier 2012. Prêté en National pour une durée de six mois, il sera aligné sur les terrains à treize reprises sans parvenir à empêcher la relégation du club qui termine lanterne rouge lors de la saison 2011/2012.
À son retour, Oukidja n’a toujours pas sa chance et se voit une nouvelle fois prêté. Cette fois-ci pour deux ans, au club belge du Royal Excel Mouscron en deuxième division et connu en tant que club “satellite” des Dogues de mai 2012 à juin 2015. Chez les Hurlus, ses performances joueront un rôle dans la montée du club en 2014 et il se verra ainsi proposer après 63 matchs joués en Proximus League une prolongation de contrat, qu'il refusera.
Sans club, le gardien s’engage avec le Racing Club de Strasbourg Alsace en National, qui luttait pour renaître de ses cendres après une rétrogradation administrative à l’été 2011, en cinquième division, l’ex-CFA 2. Ludovic Butelle, actuel gardien d’Angers, qui a côtoyé Oukidja du côté de Lille, s’est récemment confié chez nos confrères de Coparena sur l’évolution de carrière de son ex-coéquipier. « Oukidja, je l’ai connu à Lille. C’était le 3ème gardien à l’époque et il a pris le pari d’aller jouer dans des divisions inférieures. Cela s’est révélé payant car il a fait des bonnes saisons. Il est parti à Strasbourg, il a été champion du National et de Ligue 2. Puis, il a fait des gros matchs, en Ligue 1. Il a explosé sur le tard mais il a su saisir sa chance ».
En effet, en Alsace, l’alchimie entre le gardien de but et le club fonctionne sur un esprit de revanche et d’envie commune de retrouver la lumière des sommets du football professionnel. Au RCSA, Oukidja se révéla comme un élément majeur du groupe strasbourgeois qui fut champion de National 1 en 2015/2016. Il sera même élu, lors de cette saison, meilleur gardien de but du championnat. En plein conte de fée, le club enchaîne la saison suivante sur une montée en Ligue 1 en finissant en tête du championnat alors que l’objectif fixé par Marc Keller était celui du maintien. Un exploit majeur du football français de l’époque auquel participa l’international algérien en jouant 26 matchs lors de la saison 2016/2017.
Ainsi, après deux saisons "féeriques" à l’image d’un conte des frères Grimm, le RCSA retrouva l’élite du championnat neuf ans après l’avoir quitté. Une aventure hors du commun qui permet à Oukidja de découvrir l’élite , en tant que gardien n°1, à l’âge de 29 ans. Cependant, la place de titulaire de l’ancien lillois la saison suivante en Ligue 1 est contestée, poussant Oukidja à être aligné à plusieurs reprises sur le banc en début de saison. Et alors qu’il parvient à chiper la place de titulaire à Bingourou Kamara en deuxième partie de saison, le natif de Nevers refuse la prolongation et signe au FC Metz en Ligue 2 à l’été 2018.
Un choix qui pourrait sembler aberrant, tant pour les supporters qui voient un joueur majeur de la renaissance du club alsacien partir chez le rival lorrain, que sportivement dans l’idée de redescendre d’un cran après avoir tant essuyé de plâtres pour arriver à joueur en Ligue 1. Pourtant, lorsqu’il a été interrogé sur ce choix de carrière surprenant, Ludovic Butelle se montre plutôt bienveillant sur cette décision de son remplaçant au LOSC : « Metz cherchait un gardien, ils ont vu en lui un potentiel. C’était à lui de se mettre en danger et de se dire “moi je veux jouer car je sais que j’ai les capacités pour devenir un joueur de Ligue 1”. Quand tu fais des choix il faut assumer, et lui, il a assumé. Quand il a eu la chance de pouvoir avoir cette place de titulaire, il a assuré ». Après un nouveau titre de champion de Ligue 2 remporté (NDLR : saison au cours de laquelle il jouera les 38 matchs disputés) et une CAN 2019 décrochée avec les Verts, le gardien algérien retrouve les terrains Ligue 1 sous les couleurs messines lors de la saison 2019/2020.
Un vrai gardien de haut niveau ?
Suite à ce flashback, revenons à la question initiale : Oukidja est-il à l’heure actuelle le meilleur gardien de Ligue 1 ? Chacun se fera son opinion mais tentons de répondre à la l’affirmation soumise avec des outils statistiques pertinents. Après une bonne saison 2019-2020 – où il s’est vu remettre le titre de meilleur joueur du FC Metz – l’international algérien a semble-t-il atteint un autre niveau.
Pour étayer notre analyse, la première statistique utilisée sera les xG (Expected Goals ou buts attendus), qui désigne la probabilité qu'un tir se termine en but selon les caractéristiques de ce tir et des événements menant à ce tir. Les variables comprennent : l’emplacement du tireur, la partie du corps utilisée, le type de passe reçue et le type d'attaque. Chaque tir est comparé à des milliers de tirs ayant des caractéristiques similaires afin de déterminer la probabilité que ce tir aboutisse à un but.
Cette saison, Alexandre Oukidja a disputé 19 matches en Ligue 1 Uber Eats (NDLR:: il fut suspendu pour le déplacement à Rennes). Lorsqu’il fut aligné dans le onze titulaire, le FC Metz a concédé 22,51 xG selon les modèles statistiques couramment utilisés. Toutefois, le portier messin a encaissé seulement 17 buts cette saison. Il y a donc une différence de 5,51, qui signifierait que « Oukidja a évité 5 buts à son club ». Si l’on compare ces chiffres aux autres gardiens du championnat, seuls deux d’entre eux font mieux. Le premier est Anthony Racioppi de Dijon : 14,63 xG pour 8 buts encaissés, soit un différentiel positif de 6,63. Néanmoins, ce dernier n’a joué que 10 matchs, un échantillon bien plus faible. Le second est le leader du championnat, Keylor Navas du PSG. Lorsqu’il a été dans les buts, les Parisiens ont concédé 15,03 xG tandis que le Costaricien a encaissé 7 buts. La différence ici est de 8,03. Ainsi, Oukidja se placerait comme 3ème meilleur gardien de France selon le critère des xG encaissés.
Néanmoins, la seule prise en compte de ce critère des xG pose un problème. Ce sont les buts attendus et donc ce modèle est construit sur tous les tirs. Ainsi, il ne prend pas en compte les tirs bloqués par un défenseur ou tout simplement un tir non cadré. On pourrait dire que le gardien a une influence sur un tir hors cadre mais cela parait compliqué à quantifier.
Pour faire face à ce que l’on appellerait en statistique un “biais de sélection”, Il a alors été créé un outil plus pertinent pour juger la qualité des gardiens et leur impact sur la performance collective de leur équipe, le PSxG. Cette statistique va juger la qualité du tir subi par le gardien en prenant en compte la vitesse, l’effet ou encore la position dans la cage (centre, côté). Dans les critères de définition de cette mesure statistique, un tir bloqué par un défenseur ou non cadré aura une valeur de 0. Ainsi, cela permet de juger la capacité d’un gardien à éviter des buts. Un mauvais gardien sera en négatif, un gardien moyen tournera autour du 0, et un bon gardien sera en positif.
Lorsque l’on observe le PSxG +/- (PSxG – buts encaissés), on apprend qu’il est de +4 concernant le n°2 au poste de gardien en EN. On peut en conclure, qu’il a alors « évité » 4 buts au FC Metz cette saison. Et si l’on étend notre champ de vision au championnat, il se classe deuxième dans la catégorie. Seul Navas fait mieux (+5.4), tandis que Racioppi est à 4 comme l’algérien. Des gardiens réputés comme Steve Mandanda ou Anthony Lopes sont « seulement » à +2 PSxG.
En creusant un peu plus, il est possible d’évaluer plus en profondeur le niveau d’Oukidja, grâce aux PSxG/tir. Cette statistique évalue la qualité/difficulté du tir que rencontre un gardien en moyenne (sans compter les CSC). Plus la valeur est haute, plus le gardien a des arrêts compliqués à réaliser et cela permet ensuite de nuancer le pourcentage d'arrêt des joueurs étudiés. Le FC Metz offre un PSxG/tir de 0,26 à ces adversaires sur les matches où Oukidja a joué. Pour que cette donnée soit pertinente, il faut ensuite réaliser un léger calcul : (1 – 0,26) x 100 = 74. Par conséquent, un gardien moyen devrait arrêter 74% des tirs subis par le FC Metz. Le pourcentage d’arrêt rentre maintenant en compte, et celui d’Oukidja est de 78,6%, soit supérieur de 4,6 points à la moyenne attendue pour un gardien Grenat. Un chiffre plus qu’honnête. L’un des meilleurs du monde dans le domaine est Keylor Navas. Un gardien moyen devrait stopper 75% des tirs subis par le PSG, alors que lui en arrête 85,7%.
La prochaine étape?
En étudiant les performances d’Oukidja d’un point de vue statistique, il paraît maintenant compliqué d’affirmer que le gardien des Verts puisse être considéré, à l’heure actuelle, comme le meilleur à son poste en France. Cependant, il est sans contestation l’un des plus performants, voire l’un des 3 meilleurs.
Une affirmation plus appropriée basée sur des éléments factuels, en étant par exemple le leader en pourcentage de centres captés. Dans ce domaine, Oukidja s’empare de 15,4% des centres que subit sa défense, rassurant ainsi toute son équipe. Ce qui reste le plus intéressant à noter est sa progression entre sa première saison en Ligue 1 – avec Strasbourg en 2017/2018 – et ses performances actuelles. Lors de sa première saison dans l’élite, le natif de Nemours avait un rapport en xG négatif. (25,26 xG – 29 buts encaissés = -3,74) -3,74 et un PSxG +/- négatif (-1,4). À cette époque, le RCSA offrait un PSxG/tir de 0,34 aux adversaires (1 – 0.34 = 0.66). Un gardien moyen devait donc arrêter 66% des tirs, sauf que le Strasbourgeois avait un pourcentage d’arrêt de seulement 64,3%. Un élément statistique qui justifie dès lors sa mise sur le banc lors de ce retrour dans l’élité du RCSA, puisque que des conclusions que construit cette statistique, Oukidja était alors considéré comme un « mauvais » gardien.
Mais depuis, bien des choses ont changé, et le joueur formé à Châteauroux a beaucoup progressé. Une éclosion sur le tard et une progression par étapes dont l’issue actuelle ne surprend pas son ancien coéquiper Ludovic Butelle : « Quand j’ai vu Oukidja à Lille, je savais très bien qu’il allait faire une belle carrière. C’est un gardien qui a beaucoup de force. Il plonge à droite à gauche, il n’a pas de côté faible. Chaque saison, il fait ses matchs en Ligue 1, c’est une valeur sûre du championnat ». Joueur majeur du dispositif de Frédéric Antonetti, Oukidja est aussi devenu l’un des leaders du vestiaire messin en dehors des terrains. Une stature que son coéquipier Fabien Centonze a récemment expliqué par l’attitude exemplaire donnée par Oukidja à ses coéquipiers : « C'est un bon gars, qui met une super ambiance et a une âme de leader. Il sait nous recadrer. Il se dépasse, même si à l'entraînement, il est parfois un peu limite ».
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