Inscription: Mer 20 Mar, 2002 0:09 Messages: 1415 Localisation: Marseille Has thanked: 0 time Been thanked: 0 time
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LETTRE OUVERTE A FRANCIS GRAILLE
05:00 : je me réveille. 07:00 : je pointe à l'usine. 15:00 : je dépointe et rentre chez moi. 16:00 : je prends ma carte d'abonné, mon écharpe, direction le Parc des Princes. 19:00 : j'arrive à destination et entre à l'intérieur du Parc. 20:00 : j'encourage mon club jusqu'à devenir complètement aphone. 22:00 : je reprends ma voiture et retourne chez moi. 01:00 : je me couche.
Voilà à quoi ressemble à peu de chose près mes journées le samedi depuis dix ans. Je ne m'en plains pas. Je suis heureux comme ça. Lorsque les matchs ont lieu le vendredi, ma journée est exactement la même sauf que je me réveille à cinq heure le lendemain également mais je ne m'en plains pas plus. Ni de ça, ni des 280 km aller-retour que j'effectue. Je fais tout ça par passion et ce n'est vraiment pas grand chose comparé à certains.
Vous l'aurez compris, cela fait 10 ans que je supporte le Paris Saint-Germain Football Club, ses joueurs, ses entraîneurs et même ses dirigeants. Je n'ai jamais sifflé aucun d'entre eux, ni réclamé leur démission à aucun moment. J'ai même scandé le nom de joueurs pendant que quelques uns les conspuaient pour un contrôle raté, une passe approximative ou un tir dans les tribunes. J'ai encouragé et défendu des joueurs qui n'avaient pas le niveau pour jouer au PSG car comme la plupart des supporters, je me fiche qu'un joueur ne soit pas bon tant qu'il donne tout sur un terrain, respecte le club et ses supporters. Ce n'est pas de sa faute si la personne qui l'a recruté pensait qu'il avait le niveau. Je n'en veux même pas à cette personne, que ce soit l'entraîneur ou le président car je considère que tout le monde a le droit de se tromper et qu'un club ne se construit pas en une saison mais trois, quatre, cinq voir dix saisons. J'ai conscience que le facteur chance n'est pas négligeable dans le foot.
Tant que ces personnes ne viennent pas que pour se remplir les poches, ils ont tout mon respect. Tant que ces personnes viennent également dans le but de vivre une belle aventure en parfaite osmose entre chaque composante qui fait un club ( les joueurs, l'entraîneur, les dirigeants, le staff, les employés, les bénévoles mais aussi les supporters qui sont pour certains présents depuis la création du club ) ils pourront commettre toutes les erreurs possibles et imaginables, je les soutiendrai.
Je suis comme 99 % du virage Auteuil contre la violence. Je n'ai jamais levé la main sur personne de toute ma vie. Ni jeté de fumigènes sur une pelouse comme 99,99 % des supporters. Comme vous, je suis quelqu'un de calme, posé...
Aussi, permettez-moi de vous retracer les grandes lignes de ma journée d'hier.
05:00 : je me réveille. 07:00 : je pointe à l'usine. 15:00 : je dépointe et rentre chez moi. 16:00 : je prends ma carte d'abonné, mon écharpe, direction le Parc des Princes.
Et là, tout change.
19:00 : j'arrive à destination mais ne peux pas entrer dans le parc des princes. 19:30 : je fais toujours la queue. 20:00 : je fais toujours la queue, alors que je suis censé encourager mon club. 20:15 : la queue n'a toujours pas avancé d'un centimètre.
Et là, je ne peux pas m'empêcher de penser à ces 10 années de passion et de ferveur pour ce club... sans violence. J'étais avec une personne qui était abonné au parc depuis 25 saisons ! 25 saisons de dévotions, 25 années quasiment entièrement consacrées au PSG, sans violence...
Et de comparer à la façon dont on était en train de nous traiter. A moins d'être complètement dépourvu d'orgueil, comment est-il possible que la rage ne puisse s'emparer de nous ? On était ni plus ni moins traités comme des moins que rien. On s'est senti minables, ridicules, humiliés. Tout ce foin pour soit-disant récupérer des fumigènes qui n'étaient même pas prévus au programme comme vous l'ont fait comprendre les banderoles. Tout ce foin pour la sécurité, soit-disant... Vous n'empecherez jamais les "ultras" d'entrer avec des fumigènes. Cela fait parti intégrante de leur monde. Respectez ça. Je ne suis pas un « ultra » mais je comprends les gens qui n'acceptent pas qu'on leur empêche de vivre pleinement leur passion. Les « ultras » sont près à faire des concessions comme ils l'ont affirmé à Monsieur Larrue. Mais trop honnêtes, ils se sont faits poignarder dans le dos. Qui est le voyou dans l'histoire ? Il ne faut pas ensuite s'étonner de la réaction de certains contre Metz si ce monsieur ne fait qu'envenimer les choses...
Je me retrouvais donc là, à l'extérieur du stade pendant que le match se déroulait. J'ai payé ce match car abonné mais il est d'ores et déjà gâché. Je suis humilié. Je me sens comme un chien à qui l'on va attacher une muselière avant de le laisser entrer dans la maison sauf qu'à la place, on va me tripoter des pieds à la tête. Le spectacle est commencé, c'est un brave toutou croisé avec un pigeon puisqu'il a payé pour entrer mais il ne verra pas le début du match. Il paye indirectement le salaire des joueurs qui sont en train de jouer mais sous-prétexte qu'il a potentiellement un fumigène, engin qui a fait de nombreux morts au parc ces dernières années, il doit rester bien calme le chien-chien et attendre qu'on lui lance la baballe pour entrer. Il faut bien ça car le parc des princes est devenu bagdad à cause de ces supporters. C'est vrai puisqu'on le dit dans les journaux.
Bref, je suis passé du statut d'humain à celui de dangereux cleb en une soirée. Traitez les gens comme des animaux et ils se comporteront comme tels comme disait l'autre. Il n'y a donc pas 36 cas de figure quand on prend les gens pour du bétail.
20:15 : Soit on accepte d'être humiliés, soit... on charge.
20:16 : On charge. Cela fait 10 ans que je vais au parc. Des dirigeants, comme vous, m'ont pris pour un pigeon mais j'ai pris le peu d'orgueil qui me restait pour me faire respecter. Avec plusieurs dizaines d'autres supporters tout aussi dangereux que moi, on a pris l'initiative de pousser tout le monde. Personne ne s'est jamais plein d'être poussé, presque tout le monde participait. Il y avait des enfants, ils auraient très bien pu mourir étouffés ou écrasés. Je me suis enfoncé une rambarde dans une côte qui est probablement cassée mais je me fichais de tout ça puisque j'étais devenu un pit-bull car considéré comme tel, prêt à bouffer tout ce qui se présentait. On a donc forcé le barrage de CRS et de stadiers qui n'ont pas résisté bien longtemps et on a permis à une centaine d'autres clebs de passer sans muselière.
Les CRS et les stadiers n'ont pas vraiment employé les grands moyens pour nous empêcher de passer et c'est encore heureux puisque je n'aurais eu aucun remord à me battre quitte à me faire défigurer pour la première fois de ma vie.
20:17 : Comment est-il possible que j'encourage mon club après ça ? Je n'ai pas sifflé Pauleta sur son penalty mais comment veut-il que je l'encourage quand j'ai ça en travers de la gorge. Qu'est-ce que j'en ai à foutre qu'il le plante son but dans la mesure où je ne suis qu'un chien doublé d'un pigeon pour ce club ?
Comment est-ce que je peux accepter qu'on me dise le lendemain "t'as qu'à venir plus tôt, t'aurais pas loupé le début" alors que ça fait dix ans que je viens une heure avant le match et ce malgré les 140 bornes qui me séparent du parc et que je n'avais jamais connu le moindre problème de ce genre ? Dites-moi, comment est-ce que je peux accepter ça ?
Dites-moi comment est-il possible que je ne puisse pas soutenir les "ultras" quand on connaît la façon dont Monsieur Larrue les humilie ?
Comment est-il possible qu'on puisse s'intéresser au foot alors qu'il est question de notre dignité d'homme ?
Comment ne pas péter les plombs quand des joueurs qui sont là depuis six mois disent à demi-mot que nous sommes de mauvais supporters alors qu'ils ne prennent même pas la peine de se mettre cinq minutes à notre place ? Pour une fois que c'est nous qui avons besoin de leur soutien. Mais pour qu'ils s'intéressent aux problèmes de leurs supporters, il faudrait déjà qu'ils prennent tous la peine de nous dire bonjour et au revoir...
J'ai vécu exactement la même soirée contre Moscou.
Vous m'avez gâché ces deux soirées, non pas parce que les résulats n'étaient pas au rendez-vous mais parce que vous ne m'avez pas permis de jouer mon rôle de supporter pour lequel je paye. Je devrais vous réclamer le remboursement de ses deux matchs pour le principe...
Mais peu importe, aujourd'hui, je suis un mauvais supporter. En plus, je suis un voyou puisque j'ai forcé un barrage de CRS. Et pour tout vous dire, j'y ai pris un certain plaisir alors que j'ai toujours exécré la violence jusqu'à ce jour. Vous avez peut-être fait naître en moi une vocation. Il ne s'est rien passé de grave mais c'est peut-être comme ça que ça commence.
Alors Monsieur Graille, je n'ai qu'une chose à vous dire : merci.
Merci de m'avoir converti au hooliganisme.
Chapeau bas à ce supporter parisien pour cette belle lettre
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