Pénip' à lire (enfin à survoler) ces pages où l'on se gargarise des taux d'intérêt et se complaît cyniquement dans la spéculation sur les marchés à terme. Totalement déconnecté de l'économie... beurk

Tiflo, si changer tes fenêtres te fais économiser sur ton chauffage, il n'y a pas photo... Et il y aura de moins en moins photo dans les années à venir.

Tribunes

Remontée des marchés actions : jusqu’où ?

Marc TOUATI Natexis Banques Populaires - 15/05/2006

Lorsqu'il y a plus de deux ans, nous anticipions une reprise du Cac 40 vers les 4°800 pour la fin 2005, les doutes et les interrogations étaient pléthore. Aujourd'hui, à 5 300, rien n'a changé, dans la mesure où nous devons continuellement répondre à cette question fatidique : « la récente remontée des marchés boursiers vous paraît-elle justifiée ? ». Ce à quoi nous répondons invariablement : « Oui et pour trois raisons principales ».

Primo, en dépit du niveau élevé des prix pétroliers, la croissance mondiale est restée forte. Elle est effectivement passée de 5,3 % en 2004 (un sommet depuis 1973) à 4,8 % en 2005, c'est-à-dire 1,2 point de plus que sa moyenne au cours des quinze dernières années. Or, dans la mesure où près de 70 % du chiffre d'affaires des entreprises du Cac 40 est réalisé à l'étranger, celles-ci ont pu profiter à plein de la vigueur maintenue de la croissance mondiale, faisant fi de la mollesse de l'économie française. Ainsi, environ 80 % de leurs profits sont actuellement enregistrés en dehors des frontières hexagonales.

Secundo, après trois ans de déprime, de craintes et de réticences à investir sur les marchés boursiers, les investisseurs financiers se sont enfin souvenus que ces derniers présentaient une perspective de rentabilité élevée. Nous assistons ainsi à un flight to quality inversé des marchés obligataires et immobiliers vers les marchés boursiers. D'ailleurs, malgré la remontée du Cac depuis 2003, le PER demeure encore faible : 15, contre 25 en 2000 et 2002 et un niveau moyen de 17 depuis 1998. Le Cac est donc encore loin d’être trop cher.
Tertio, la reprise durable du marché actions commence également à bénéficier du retour des mouvements de fusions acquisitions, introductions en bourse et autres OPA, qui se sont intensifiés depuis cet automne.

Certes, le processus de rattrapage observé depuis 2003 devrait quelque peu s'estomper, même s'il continuera de jouer un rôle actif dans la réallocation des portefeuilles en faveur des actions. De même, si les profits resteront encore très confortables, leur progression annuelle devrait légèrement ralentir. Après avoir augmenté de 40 % en moyenne tant en 2004 qu’en 2005, les bénéfices des entreprises du CAC 40 devraient ainsi progresser de près de 30 % en 2006. Ce qui restera donc toujours très favorable et toujours largement supérieur à l’augmentation des profits réalisés par l’ensemble des entreprises françaises sur le territoire national (c’est-à-dire l’Excédent Brut d’Exploitation), en l’occurrence 2,5 % en valeur, après déjà 1,5 % en 2005.

Parallèlement, 2006 devrait être marquée par une forte croissance mondiale d’environ 4,8 %, mais aussi par un euro qui, malgré sa remontée spéculative récente, devrait se stabiliser autour des 1,22 dollar en moyenne sur 2006. En outre, en espérant que la situation géopolitique ne dégénère pas, le cours du baril de Brent devrait se stabiliser autour des 70 dollars en moyenne sur l’année. Ce qui est certes élevé, mais en faible progression par rapport aux niveaux atteints en 2005. Quant aux taux d’intérêt obligataires, rappelons que, selon nous, ils poursuivraient leur remontée mais sans dépasser les 5,3 % outre-Atlantique et les 4,3 % dans la zone euro.

Autant d’évolutions qui, ajoutées à la revitalisation des marchés actions en termes de flux d’investissement et d’opérations, nous amènent à réviser en légère hausse nos prévisions boursières annuelles. Et ce, en particulier pour le Cac 40 que nous prévoyons à 5 700 à l’horizon d’un an. La barre des 6 000 pourrait même être atteinte d'ici la fin 2007, mais à ce moment là, nous serons proche de la surévaluation et il faudra penser à prendre ses bénéfices avant une inévitable correction.

Cependant, en attendant d'y arriver, il faut reconnaître que deux risques principaux pèsent malheureusement sur notre scénario. Le premier est relatif à une appréciation durable de l'euro, qui pourrait amputer les marchés actions européens d'environ 10 %. La baisse de ces derniers en fin de semaine à la suite de la flambée de l’euro le confirme. Quant au second risque, il pourrait coûter beaucoup plus cher, mais demeure immaîtrisable et par là même non quantifiable, puisqu'il s'agit d'une éventuelle détérioration du climat géopolitique mondial. Une intervention militaire américaine en Iran, puis une vague internationale d’attentats dans les pays occidentaux pourraient ainsi faire monter le prix du baril à 100 dollars et engendrer une baisse de 15 à 20 % des cours boursiers en quelques semaines. Pour autant, il faut également souligner que, dans ce cas extrême, la Réserve fédérale américaine ne manquerait pas de soutenir l’activité économique et les marchés financiers en abaissant ses taux d’intérêt, ce qui permettrait de limiter la casse. Et ce d’autant que de très nombreuses entreprises cotées en bourse, du moins sur les grands indices, sont saines, faiblement endettées et correctement valorisées. Le risque de krach boursier est donc faible. A moyen terme, dans un contexte où le secteur de l’immobilier connaît une bulle et où les cours obligataires commencent à se replier, le meilleur couple rendement-risque demeure donc sur les placements en actions.