Article de l’équipe sur la saison particulière liée à la crise sanitaire : GL est interrogé sur nos moyens lors de recrutement lors de ce mercato.
Houssem Aouar et Morgan Sanson (au premier plan) font partie des joueurs ciblés sur le marché des transferts. (B. Papon/L'Équipe) Houssem Aouar et Morgan Sanson (au premier plan) font partie des joueurs ciblés sur le marché des transferts. (B. Papon/L'Équipe) Foot L1, Transferts avant-première abonnés Le marché des transferts 2020, un drôle de cru Les conséquences de la pandémie sur l'économie des clubs pourraient bouleverser le marché de Ligue 1. Doit-on s'attendre à un été cauchemar et un appauvrissement des effectifs ?
Hugo Delom (avec A. Cl., F. L. D. et J. D.) 07 juin 2020 à 18h29 « De 700 M€ à 900 M€. Une catastrophe économique. » Il y a un mois, le président de l'OL Jean-Michel Aulas ne s'est pas embarrassé de nuance au moment de poser le bilan de la pandémie de coronavirus sur l'économie des clubs français. Un montant difficile à confirmer en l'état. Mais avec l'arrêt du Championnat et alors que les budgets seront amputés du versement d'une partie des droits télé, les clubs de Ligue 1 vont souffrir. Les nouveaux droits télé, à hauteur de 1,217 milliard d'euros par an (L1 et L2 confondus) - une hausse de 60 % par rapport au contrat en cours - ne seront pas de trop pour soutenir les finances.
lire aussi Christophe Lepetit (directeur des études écomoniques du CDES) : « Aucun club n'est très serein face à cette crise » Mais plus précisément, quel impact cette crise économique va-t-elle avoir sur ce mercato d'été dont une séquence franco-française débutera ce lundi ? Moussa Dembélé (Lyon), Houssem Aouar (Lyon), Wesley Fofana (Saint-Étienne), Morgan Sanson (Marseille), Ibrahima Diallo (Brest), Victor Osimhen (Lille), Wissam Ben Yedder (Monaco)... Doit-on s'attendre, dans ce marché post-Covid, à un exode des talents et à un appauvrissement des effectifs de L1 ?
Un risque de pillage ? Le spectre d'une Ligue 1 aux effectifs encore appauvris est-il justifié ? Oui, pour un certain nombre de clubs. Saint-Étienne, Marseille, Bordeaux notamment seront dans l'obligation de vendre dans les semaines à venir. Dans des proportions importantes. Déjà en difficulté avant la pandémie, ces formations se sont un peu plus enfoncées. « Ce qu'il y a d'inquiétant, c'est l'absence des locomotives habituelles. Paris est un cas à part. Mais Marseille, Bordeaux, Lille par exemple sont des clubs qui investissent d'ordinaire sur le marché français et là, ils vont manquer. Et la redistribution de cet argent avec », analyse un agent FFF implanté sur le marché franco-anglais.
« Si je veux garder un joueur, je le garde » Un directeur sportif d'un club de L1 Au-delà de l'absence d'effet d'entraînement, des formations seront-ils à la merci, encore plus que d'ordinaire, d'une offre venue des championnats étrangers qui ont, eux, repris ? « Avec l'arrivée des nouveaux droits télé, je ne suis pas obligé de vendre. On prévoit toujours un an d'avance sur nos ventes. Aujourd'hui, si je veux garder un joueur, je le garde », rassure un directeur sportif de L1, ne souhaitant pas être cité nommément afin de ne pas alimenter la « cacophonie actuelle ».
Dans le sillage de William Saliba (au premier plan, de l'ASSE à Arsenal), Moussa Dembélé et Wesley Fofna pourraient quitter la Ligue 1 cet été. (P. Lahalle/L'Équipe) Dans le sillage de William Saliba (au premier plan, de l'ASSE à Arsenal), Moussa Dembélé et Wesley Fofna pourraient quitter la Ligue 1 cet été. (P. Lahalle/L'Équipe) Une fermeté qui n'est pas isolée : « À court terme, je peux dire non, répond un autre directeur sportif, cette fois d'un club de seconde partie de tableau. Je peux bloquer un joueur. Si demain, on me met 50 M€ devant moi pour un jeune, la question ne se posera pas bien sûr mais si vous me posez la question aujourd'hui, je peux refuser une offre que je ne juge pas au prix. »
lire aussi L'OM, Bordeaux, Saint-Étienne et Lille, les clubs les plus touchés par la crise « On est prêts à tenir même en cas de grosse offre. Car mon président (Joseph Oughourlian), mon Directeur Général (Arnaud Pouille) et moi sommes alignés », prolonge le coordinateur sportif de Lens Florent Ghisolfi. « Je ne pense pas que le coronavirus sera à l'origine d'une vague de départs, analyse Jérémy Bouhy, agent de clubs. Le marché français est par nature exportateur, les ventes de cet été ne seront donc pas les conséquences de la crise mais l'application de la stratégie habituelle des clubs français basée sur le développement des jeunes joueurs, leurs expositions et leurs ventes. La crise, à court terme, ne change pas le logiciel habituel des clubs français ».
Une Ligue 1 moins attractive ? Dans le sens inverse, cette L1 affaiblie est-elle en capacité d'attirer des talents ou d'être compétitive face à une concurrence étrangère, moins impactée par la pandémie ? « On n'a pas vraiment de souci économique. On a réussi à dégager une enveloppe budgétaire intéressante pour un club comme Brest, supérieure à celle de la saison passée, répond Grégory Lorenzi, le coordinateur sportif du club breton. Aujourd'hui, on peut faire des offres de 3 M€ à 4 M€ pour un joueur. Je ne vais pas jouer petit bras. On a déjà fait des offres importantes pour des joueurs de L1, et s'ils pouvaient être intéressés, ce sont les clubs qui ont préféré attendre, car ils espèrent mieux. »
« Je ne crois pas à un effondrement du marché ? Il va y avoir un frein psychologique lié à la crainte de la deuxième vague, une réticence à investir, mais c'est tout » Julien Fournier, directeur du football à l'OGC Nice Le club breton n'est pas un cas isolé. À des degrés différents, Reims, Dijon, Metz, Strasbourg, Montpellier, Nantes disposent d'une enveloppe de recrutement comparable aux derniers mercatos. Le FC Metz a par exemple déboursé plus de 4,5 M€ pour recruter Kevin N'Doram à Monaco. En lui offrant un salaire évolutif supérieur à 100 000 euros brut mensuels. Lorient, club promu, dispose d'une enveloppe non négligeable pour le recrutement de son numéro 9 (entre 5 M€ et 7 M€).
Victor Osimhen plaît en Angleterre. (R. Martin/L'Équipe) Victor Osimhen plaît en Angleterre. (R. Martin/L'Équipe) « Je ne crois pas à un effondrement du marché. Il va y avoir un frein psychologique lié à la crainte de la deuxième vague, une réticence à investir, mais c'est tout, analyse le directeur du football de l'OGC Nice Julien Fournier dont le club devrait être un acteur central de l'été. Il y a de nombreux clubs très bien gérés dans la deuxième partie de tableau, ils ont l'habitude de faire des transferts entre 1 M€ et 4 M€. Ils vont continuer à le faire. »
lire aussi Transferts : Accord de principe entre Nice et Paranaense pour Bambu En partie parce qu'ils ont été moins impactés que d'autres clubs par le non versement des droits télé et qu'ils ont bénéficié durant cette période du dispositif du chômage partiel. Lyon, et les dossiers récents - Mamadou Sakho (Crystal Palace) - l'ont montré, sera en capacité de se montrer compétitif sur ce marché.
« Pour que je ne puisse plus formuler des offres de l'ordre de 2,5 M€ à 3,5 M€ comme d'habitude, il faudrait que le principe du huis clos se prolonge au-delà d'août à septembre » Le directeur sportif d'un club de L1 À moyen terme, toutefois, si les huis clos s'étirent, la question de l'attractivité se posera : « Pour que je ne puisse plus formuler des offres de l'ordre de 2,5 M€ à 3,5 M€ comme d'habitude, il faudrait que le principe du huis clos se prolonge au-delà d'août ou septembre », glisse l'un de nos « DS ». Nos interlocuteurs se rejoignent sur une évolution majeure dans la forme des mouvements. Avec un développement important des échanges ou des prêts avec option d'achat afin de limiter les sorties d'argent immédiates.
Un calendrier pénalisant ? « Il y a un problème dont on ne parle pas assez, c'est que les marchés sont décalés entre les pays. On commence le Championnat le 23 août et les effectifs devront être prêts à cette date, pour d'autres pays ce sera un mois après... » Julien Fournier a identifié l'une des problématiques centrales de ce marché. Comment les clubs français vont-ils pouvoir adapter leur mercato alors que celui des autres - dont les championnats reprennent - sera beaucoup plus tardif ?
lire aussi Espagne : La saison 2020-2021 débutera le 12 septembre « Il faudra que les Français puissent terminer en même temps que les autres, analyse Jonathan Maarek, agent FFF. Si ce n'est pas le cas, le marché français subira des conséquences importantes : avec l'obligation de devoir remplacer de potentiels partants bien en amont et d'être à la merci de clubs - anglais, allemands espagnols ou autres - qui attendraient, eux, la toute fin de leur mercato pour négocier leurs achats. À ce moment-là, les clubs français, soumis à une pression économique née de la crise et de leurs achats en début de mercato, seraient dans l'obligation de vendre. Avec un rapport de forces nettement défavorable. »
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