C'est une caractéristique de la finance moderne. Dans ce système, le volume des promesses
excède selon toute probabilité ce que sera la richesse future. Ainsi, soit ces promesses seront
honorées, mais ce sera en réduisant d'autres droits sur la richesse future (en l'occurrence la
part qui revient au travail), soit, en effet, elles ne seront pas toutes honorées. J'appelle
"Mistigri" l'écart entre le volume des promesses financières et ce que sera réellement la part
de la richesse future à laquelle elles donneront droit. C'est une mauvaise carte, et comme au
jeu du Mistigri, elle circule entre les acteurs. Mais, à la différence du jeu, aucun des joueurs ne
sait qui la possède, pas même celui qui l’a en main. Ce Mistigri, dans l'économie mondiale,
c'est un certain volume d'actifs financiers qui sont aujourd'hui surévalués par rapport à la
richesse à laquelle ils donneront finalement droit.

Ici, chez nous en France, la terreur sur les retraites explique pour beaucoup la hausse vertigineuse des prix de l'immobilier.

A partir des années 2000, les promoteurs immobiliers se sont à leur tour (*) emparés du thème de la terreur sur la retraite pour vendre des logements. Depuis cette époque, les promoteurs, qui financent les médias pour relayer la communication du gouvernement sur la défiscalisation, s'ingénient à inquiéter les lecteurs sur la faillite prévisible des retraites, sur la pénurie des logements. En quelques années ils ont réussi à faire admettre qu’investir dans un patrimoine immobilier à rendement négatif est une véritable aubaine, puisque c’est la seule façon de réaliser une formidable opération de défiscalisation.

Le résultat est là. Aujourd'hui, 50 % du stock des logements neuf est acheté par des primo accédants qui défiscalisent d’autant mieux qu’il n’y a aucun frein à la fixation des prix à la hausse par les promoteurs. C'est en effet la conséquence du mode de financement de ses acquisitions immobilières qui est assuré par des moyens financiers qui sont en tout état de cause perdus pour les acquéreurs, puisqu’ils sont destinés à payer leurs impôts.

Avec la baisse annoncée des impôts et le prévisible remaniement du dispositif De Robien-Borloo, les sources de financements qui alimentent la propagande des promoteurs sur la terreur des retraites dans les médias se tariront. L’engouement absurde pour l’immobilier se calmera et sans trop d’effort on se retrouvera dans quelques années comme à la fin des années 90. L’immobilier n’intéressera plus personne. Le cours des actions SeLoger.com et Entre2particulierAparticulier.com ne vaudront plus un clou et dans l’indifférence générale, les courageux qui se lanceront dans l’investissement immobilier retrouveront des rendements proches de 20 % sans avoir à défiscaliser, pendant que ceux qui ont acheté maintenant serront les dents !

(*) Pour la première fois, le thème de la terreur sur les retraites a été exploité en France dans le milieu des années 80 par les assureurs. Ces derniers trouvaient que les français avaient trop confiance dans leur système de retraite par répartition et ils étaient amers de constater que les futurs retraités français n’investissaient pas suffisamment dans les produits financiers en vue de la retraite, contrairement à leurs homologues anglo-saxons qui n’ont eux que des retraites par capitalisation et donc aucune garantie de redistribution.

Toujours ce même problème insoluble de transmission à coup sûr de valeur dans le temps. (cf PN Giraud in Le Commerce des promesses)

Une chose est sure: ce n'est pas parce que la génération nombreuse se "sera monté le bourrichon" des prix sur tous les assets qu'elle parviendra à se dégager sans pertes lorsqu'elle essaiera de refiler le mistigri aux générations suivantes moins nombreuses.

La tentative actuelle est de faire s'endetter au plus vite ces générations suivantes avant qu'ils ne rendent compte que le rapport de force va pencher en leur faveur ("trop tard! engagement pris!). Tentative en partie réussie puisque de nombreux jeunes ont avancé un achat qui avait autrefois lieu vers 35 ans...