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Le handball féminin de club est un milieu sinistré mais Brest, qui sera promu en première division la saison prochaine, arrive à recruter des stars comme Allison Pineau et Cléopâtre Darleux. Si cette attractivité fait jaser, elle s'explique.
La deuxième division de handball féminin ne représente pas exactement le niveau rêvé pour attirer les foules en tribunes et des stars sur le terrain, mais les faits sont là : plus de 3 000 personnes en moyenne assistent aux matches du Brest Bretagne Handball, qui vient de recruter deux internationales, la meilleure joueuse française Allison Pineau et la gardienne Cléopâtre Darleux. Elles rejoignent d’autres figures connues comme l’Espagnole Marta Mangué, arrivée l’été dernier pour viser la montée en D1, déjà assurée. Mais qu’est-ce qui peut bien attirer ces grands noms, qui pourraient viser la Coupe d’Europe sans attendre ?
L'ARENA DE 4 200 PLACES, LE MEILLEUR ATOUT
Une visite chez les Finistériennes esquisse vite une première réponse. Alors qu’elles évoluent souvent à l’extérieur dans des gymnases, elles s’entraînent et jouent à domicile dans une magnifique enceinte, l’Arena de Brest qui compte 4200 places et constitue un important vecteur de développement. « C’est un formidable outil pour nous, c’est énorme de jouer devant autant de personnes. J’ai joué en D1, en Ligue des champions, et il n’y a pas beaucoup de salles qui peuvent attirer sur une saison plus de 3 000 spectateurs en moyenne, confie l’arrière Marion Limal. Beaucoup de joueuses nous envient ces conditions de jeu. Pour notre projet, l’Arena est un vrai point fort.»
«S'Ils réduisent leur budget, c'est leur problème, ce sera plus facile pour nous d'être champions...
Mais les clubs de football français en savent quelque chose, bénéficier d’une grande et moderne enceinte ne garantit pas de la remplir. Le BBH a donc dû imaginer un modèle qui permet d’éviter les soucis fatals à l’Arvor 29, le grand club du coin qui avait déposé le bilan pour raisons financières dans la foulée du titre de champion de France obtenu en 2012. Les frères Le Saint, propriétaires d’une grande entreprise agro-alimentaire, ont alors repris l’institution en Nationale 1, l’équivalent de la troisième division. Laurent Bezeau, l’ancien entraîneur de l’Arvor 29, revient sur le banc dès 2013 pour monter en D2 en 2014, alors que le club, qui s’appelle désormais Brest Bretagne Handball, s’installe à l’Arena.
« Avec cette salle, on a un élément structurant, une belle vitrine pour construire un projet. Mais on a avant tout la chance de connaître pas mal d’entreprises locales, les gens sont vite venus nous rejoindre et ça a fait monter la mayonnaise, explique Gérard Le Saint, le président qui nourrit de grandes ambitions, quitte à susciter quelques crispations. Le hand féminin est un petit monde fermé et les gens ne voient pas d’autres projets qu’à Brest. En D1, Metz et Fleury réduisent leur budget alors qu’on augmente le nôtre (qui s’élève à 2 M€, avec une projection à 3,5 millions d'ici 2 ans). S’ils réduisent leur budget, c’est leur problème, ce sera plus facile pour nous d’être champions… C’est un monde qui a toujours été trop subventionné par les collectivités locales. Elles représentent 50% du budget de Metz, plus de 60% pour les garçons à Montpellier. Nous, on est entre 15 et 20%, parce qu’on a 300 boîtes avec nous. Les autres vont devoir bouger leur cul pour chercher des partenaires privés comme nous car on ne peut plus compter comme avant sur les collectivités.»
Ce modèle avait été fatal à l’Arvor 29, souvent comparé au BBH, ce qui agace un peu Le Saint. « Ce passé fait jaser, mais ce n’était pas nous à l’Arvor ! Ils avaient des ambitions mais n’avaient pas les moyens, pas de cellule commerciale alors qu’on a un vrai modèle de business», assène le patron, qui peut compter sur l’expérience de son entraîneur, un peu lassé par cette référence. « Le club s’est donné le temps de créer les conditions pour se pérenniser au plus haut niveau. Le souvenir de l’Arvor permet de rappeler les erreurs à ne pas faire, pour prendre conscience que le sportif est secondaire et n’est que la conséquence d’un projet économique et structurel, souffle Bezeau, intégré dans une démarche globale. Je fais certaines concessions qui me semblent être nécessaires pour qu’on puisse faire du haut niveau.»
A domicile, le technicien doit ainsi demander quoi qu’il arrive ses trois temps morts, alors que son équipe, qui domine largement ses matches, n’en a pas vraiment besoin. Mais à Brest, les temps morts servent surtout à mettre en valeur les spectacles qui se déclinent par thèmes, avant, pendant, et après la rencontre. Les affiches promotionnelles des rencontres laissent d’ailleurs une grande place à ces évènements, qui drainent un public large, pas forcément intéressé par le hand féminin. Et les joueuses ne s’en plaignent surtout pas… Ancienne de l’Arvor 29, la capitaine Stéphanie Ntsama Akoa est impressionnée : «De l’intérieur, pour avoir connu quatre clubs, je peux vous dire que c’est hors du commun en termes d’organisation. Nos dirigeants ont compris que le hand, c’est bien, mais qu’il faut un spectacle autour pour que les gens viennent et que les partenaires adhèrent à ce projet. Il y a un vrai engouement, plus par rapport au spectacle avant et après que pour du hand de D2 féminine. Il faut être réaliste, ce n’est pas frustrant mais cohérent ! »
«C'EST POSSIBLE CAR LES GENS ADHERENT ET IL Y A ENORMEMENT DE SPONSORS»
La situation actuelle du handball féminin français incite en effet à trouver d’autres modèles, qui ne peuvent se limiter au terrain. Brest a donc choisi la voie du divertissement global pour rendre plus attractive son offre, et devenir un aimant à joueuses dans un milieu sinistré. « Ça intrigue, les gens se demandent comment Brest fait alors que Cergy a déposé le bilan, que Cannes s’est cassé la figure comme Nîmes et Mios, poursuit Ntsama Akoa. Mais c’est possible car les gens adhèrent et il y a énormément de sponsors. J’étais là du temps de l’Arvor 29 et tout est totalement différent, il y a une vraie ossature et un engouement. A Brest, il n’y a pas non plus énormément de sport de haut niveau.»
Les frères Le Saint vont d’ailleurs bientôt prendre la tête du grand club de la ville, le Stade Brestois en L2. Même si Gérard Le Saint n’imagine pas la création d’un club omnisport, il prévoit de mettre en commun quelques services, et l'attaché de presse, Nicolas Roué, travaille déjà pour les deux clubs. Mais le hand offre avec moins de frais que le foot un horizon plus prestigieux, beaucoup plus vite. « L’ambition, à terme, c’est gagner la Ligue des champions, assume Le Saint. On n’en est pas encore là mais la voie est tracée.»
Elle passe donc par un recrutement très ambitieux, qui ne perturbe pas les joueuses en place. «Quand on a signé au BBH, on savait que c’était pour viser haut. Dès cette année, on avait une équipe de D1, souligne Marion Limal. Un cycle se termine avec la montée, il y a des arrivées, c’est normal. Et pourquoi pas aller jouer les trouble-fêtes dès la saison prochaine » Ntsama Akoa vise aussi haut : «On se devra de finir dans les trois premiers. J’aimerais faire la finale des play-offs. Mais en attendant, on a cette année notre Coupe d’Europe à nous, la Coupe de France !» Après avoir éliminé Fleury en quart de finale, Brest affrontera en demie un autre cador de l’élite, Metz. Le match aura lieu le 20 avril, mais les 4200 places de l’Arena se sont déjà envolées…