Belle histoire, me fait un peu penser à notre vieux stade!
Barnet, l’autre football londonien Posted on 24 mai 2013
UnderhillEnfouis au nord de Londres, les Bees trônent à quelques encablures d’Arsenal ou de Tottenham. Quartier privilégié des joueurs de Premier League, Barnet (D5) est aussi une écurie professionnelle à part dans la capitale. Entre Underhill, son ancien terrain en pente, le duo déjanté Barry Fry – Stan Flashman et l’arrivée d’Edgar Davids l’an passé, ce club est aussi fou qu’attachant.
20 avril 2013. Barnet lutte pour sa survie en League Two (D4), comme lors des trois dernières saisons où les Bees ont obtenu miraculeusement leur maintien lors du dernier acte. Toutefois, la réception de Wycombe revêt une toute autre importance. L’Underhill, ce théâtre ouvert en 1907, livrait sa dernière représentation. « Mon père m’a emmené à mes premiers matchs quand j’avais 4 ans », explique Lucy Waldon, supportrice de Barnet qui tient cet excellent blog. « Underhill est tellement old school. Exigu, vétuste, délabré mais rempli d’un charme d’une autre époque. C’est un aperçu de ce qu’un terrain de football doit être. Et puis il y a cette pente emblématique… » Celle qui fait la célébrité du club et le cauchemar de certains adversaires. « C’est l’horreur Barnet », rigole Mathieu Baudry, défenseur français de Leyton Orient (D3) et ancien de Dagenham & Redbridge (D4). « J’ai cru que c’était une blague, qu’on ne pouvait pas jouer là-dessus. En première période, on était contre la pente. Ils avaient le vent avec eux et ils n’ont fait que balancer. Sur les premiers ballons, je suis tombé tellement je n’avais pas d’appuis. Il n’y a rien de comparable à Barnet ! » Les fans de Barnet ont dit adieu à Underhill, l'un des stades les plus célèbres de Football League grâce à son dénivelé
Les fans de Barnet ont dit adieu à Underhill, l’un des stades les plus célèbres de Football League grâce à son dénivelé de près de deux mètres
« J’aurais tellement aimé emmener mes enfants ici. C’est sans doute mon plus grand regret »
Pour sa révérence, Underhill s’est paré de ses plus beaux habits. Bondé de 6 001 spectateurs vêtus d’orange et de noir, ce monument a été célébré avant – ce qui a retardé le coup d’envoi d’un quart d’heure – et après le match par tout un quartier et ses amoureux. Le scénario hitchcockien a enrichi d’une touche de magie ces adieux puisque Graham Stack, le portier local, a sorti le penalty de Wycombe à la 94e pour assurer ce succès 1-0. De nombreuses photos de supporters en pleurs ont émaillé aussi cette journée, saluée par de très nombreux passionnés de football en Angleterre. Car le rapport entre Barnet, Underhill et ses fans dépasse l’entendement. « J’aurais tellement aimé emmener mes enfants ici. C’est sans doute mon plus grand regret », confie Lucy. Josh Ilan, assidu des Bees et également auteur d’un blog très intéressant, abonde : « Ici, les gens voir leur club comme une deuxième famille. C’est mon cas avec Barnet. Le nombre de choses que tu fais pour voir un match et encourager ton équipe, c’est une relation qui ne disparaîtra jamais. »
Hélas, cet amour n’existera plus l’an prochain. Du moins, pas ici, au terminus de la Northern Line, à presque une heure en métro du centre de la capitale. Depuis une dizaine d’années, une guérilla (ndlr, c’est aussi long que compliqué, je ne préfère pas rentrer dans les détails) entre les élus locaux et le club s’est engagée. Des pétitions ont circulé à travers le pays pour que Barnet puisse rester dans son antre, mais la saison 2013/2014 marquera la fin de l’ère Underhill. Les Bees s’installeront à Harrow, à quelques kilomètres à l’ouest, au Hive Stadium (5 100 places dont 3 500 assises). Depuis 2009, le club s’entraînait déjà au Hive, un complexe extraordinaire pour une écurie oscillant entre la League Two (D4) et la Conference (D5). Pour preuve, avant de rencontrer l’Angleterre, la sélection brésilienne organisait ses entraînements au Hive, ce qui valut au Times ce joli titre : « CopacaBarnet. »
Les fans ne voulaient pas de ce déménagement à Harrow. Mais la municipalité locale en a décidé autrement…
Stan Flashman a viré 37 fois son entraîneur Barry Fry
Depuis sa création en 1888, Barnet a toujours bercé dans le folklore. Une douce folie parfaitement entretenu par le duo Barry Fry (manager de 1978/1985 et 1986/1993) et Stan Flashman (président de 1985 à 1993). La légende veut que Flashman a licencié…37 fois son coach ! « C’est vrai », expliqua Fry à Four Four Two en 2009, en qualifiant son ancien président de « shitbag », littéralement sac à merde. « J’avais l’habitude d’aller tous les vendredis au domicile de Stan pour récupérer mon salaire. Il me demandait l’équipe pour le prochain match. Donc je lui disais untel, untel, Frankie Murphy, untel. Puis, je me levais et je disais : « J’y vais maintenant Stan. Je peux avoir mon salaire ? » Il me répondait : « Tu ne recevras pas de salaire et je te vire demain matin si tu mets cette putain d’équipe ! » […] Il m’a viré 36 fois, mais je venais le lendemain et aucun de nous ne disait quoi que ce sooit à ce sujet. Sauf à la 37e fois, quand il m’a envoyé une lettre recommandée et m’a banni du stade. »
Flashman, accro aux jeux et aux paris, avait même intronisé son fils comme gardien de la réserve tandis que sa gestion despotique a conduit Barnet à une lente agonie financière. Mort en 1999, Fat Stan n’était toutefois pas le seul doux dingue au club. Barry Fry, aujourd’hui directeur sportif à Peterborough (D3), a notamment tondu lui-même la pelouse d’Underhill à Noël. Grand amateur de transferts improbables – notamment l’ancien international Jimmy Greaves qui était « ventripotent » selon la bible Kevin Quigagne des Teenage Kicks – et de tactiques ultra-offensives (ndlr, quand Barnet accède à la Football League en 1991, les deux premiers matchs se soldent par une défaite 4-7 contre Crewe et un 5-5 contre Brentford), il laissait une certaine liberté à ses joueurs hors des terrains, en mémoire de ses jeunes heures à Manchester United, dirigé à l’époque par Matt Busby. Voici un extrait d’une de leur conversation rapportée par Fry dans Four Four Two.
Matt Busby : « Qu’en est-il de la bière, Barry ? Barry Fry : Oh, j’aime ça ! Bière, whisky, rhum, j’aime tout ! Busby : Oh. Et les femmes ? Fry : Venant d’un village comme Bedford, me retrouver à Manchester, je ne peux pas le croire boss ! Je baise matin, midi et soir ! Busby : Barry, mon garçon, la modération en toutes choses… » Photo d'époque du légendaire Barry Fry, aujourd'hui directeur sportif de Peterborough.
Photo d’époque du légendaire Barry Fry, aujourd’hui directeur sportif de Peterborough.
L’armée mexicaine d’Edgar Davids
En 1994, les Bees doivent leur survie à Anthony Kleanthous, toujours propriétaire du club aujourd’hui. Cet homme a stabilisé Barnet sans renier l’essence du club, attirant un public assez jeune – ce qui est rare en Football League – avec des prix plutôt bas (ticket plein tarif à partir de £14, le plus cher à £22 selon l’étude de la BBC). « Il y a une relation spéciale entre les joueurs et les fans », détaille Lucy. « C’est dû à l’intimité du stade et à la réputation qu’à Barnet d’être un club familial. Les supporters ont toujours été en mesure de parler aux joueurs – sur le côté du terrain – avant et après le match. Même Edgar Davids est accessible ! » Le retour sur les terrains du Pitbull en octobre a suscité un énorme buzz autour du club. Player/manager, il a instauré ses principes de jeu polis à l’Ajax et à Barcelone. Une véritable révolution à ce niveau, même si la volonté de poser le ballon au sol est globalement en hausse ces dernières années. « Quand ça marche, c’est super. Sauf que très souvent, les joueurs de ce niveau n’ont pas l’habileté technique pour jouer comme Barcelone », poursuit Lucy. Josh en rigole « C’est quand même beaucoup plus passionnant qu’à l’époque de (Lawrie) Sanchez et son horrible système de longs ballons ! »
De fait, la présence de Davids et ce style attractif ont amélioré les affluences (2 439 spectateurs en moyenne) même si le Batave n’a pas pu empêcher la relégation de Barnet en Conference (D5). « Pourtant, c’est une belle équipe. Ça n’a rien à voir avec l’an passé », juge Maxime Blanchard, défenseur français de Plymouth (D4). Problème, les Bees ont souffert d’un début eschatologique (trois nuls et neuf défaites en douze matchs avec l’ancien manager, Mark Robson). En prime, les orange et noir étaient plus une armée mexicaine qu’une véritable équipe. Bilan des transferts en 2012/2013 ? 25 arrivées (dont 8 après l’arrivée de Davids), 10 prêts (9 sous avec Edgar) pour 46 joueurs utilisés ! « Davids a beaucoup de copains on va dire, mais il se passe des choses assez anormales à Barnet en coulisses. C’est très sombre », nous soufflent en écho plusieurs agents sondés.
Qu’importe ces considérations, la nouvelle icône locale a donné son accord pour poursuivre une saison. Jouant comme relayeur dans un 4-3-3 ou meneur de jeu en 4-2-3-1, l’ancien international n’a rien perdu de son mordant et de sa qualité de passes. Mais contrairement à ses jeunes années, l’homme parait moins centré sur lui-même, surtout avec les fans. « En revenant d’Accrington, notre car était tombé en panne », raconte Josh. « Edgar Davids a ordonné à l’équipe de descendre à la station-service pour que leur bus puisse nous chercher. Nous avons fini par arriver à cette station où nous avons parlé et pris un Starbucks avec l’équipe, y compris Davids ! » Edgar Davids est toujours l'ami des arbitres. Mais sous son commandement, Barnet est passé tout près du maintien. Un exploit vu le départ cataclysmique avec Mark Robson (neuf défaites et trois nuls sur les douze premiers matchs de championnat !)
Edgar Davids est toujours l’ami des arbitres. Mais sous son commandement, Barnet est passé tout près du maintien. Grâce à lui, des jeunes ont beaucoup progressé, notamment le défenseur David Stephens (21 ans)
« C’est peut-être un taudis, mais c’est le nôtre ! »
Une histoire dans la pure tradition de ce club à part. Si Arsenal et Tottenham se battent à quelques pas pour une place en Ligue des Champions, Barnet « fait les montagnes russes » pour reprendre l’expression utilisée dans le large article consacré au club dans le Four Four Two de mars. « C’est ennuyeux de supporter une grosse équipe », lançaient quelques supporters de longue date, qui suivront le club dans son déménagement et en Conference (D5), cette division professionnalisée à 80% où certains clubs ont des vestiaires ne pouvant contenir « qu’une boîte de sardines » dixit Joslain Mayebi (Wrexham, D5).
« Je suppose que certains fans ne feront pas la transition, même si cela pourrait être compensé par des supporters habitant près du nouveau stade à Edgware (voir la distance entre Underhill et le Hive). La question de « perdre notre âme » est une toute autre affaire. La plupart des fans ont une connexion presque spirituelle avec Underhill et c’est un lien qui sera très difficile à remplacer du jour au lendemain », juge Lucy. « Puis, la plupart des nouveaux stades sont, par leur définition même, sans âme. Underhill va énormément me manquer. Comme le disait le vieux dicton footballistique : c’est peut-être un taudis, mais c’est le nôtre ! » Humour, humanité, émotion et dépaysement. Un cocktail enivrant et sans doute la meilleur définition du football. Barnet FC, sois sûr qu’un Français remplira de temps à autre le Hive l’an prochain.
Romain Molina – Sur Twitter Rejoignez la page Facebook de Kick-Off
Un grand merci à Lucy Waldon (son compte Twitter). Son blog est une merveille, notamment les « two minutes with » (les supporters adverses venant à Barnet) et les « away days ». Grand merci également à Josh Ilan (son compte Twitter). Son blog est très sympa et l’ami Josh écrit également pour plusieurs médias.
_________________ Non au synthétique!!!!!!!!!!!!!!!!!
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