Source
Télégramme du jourAlex Dupont. «Ce club me correspondait» Au lendemain d'un dernier match sans victoire vendredi face à Auxerre (0-0), Alex Dupont a tiré un trait sur sa longue aventure de sept ans passés au Stade Brestois.
Vous avez fait vos adieux à Brest d'un bref geste de la main envers la tribune Foucauld. Rêviez-vous d'une autre sortie ? Vous le savez, j'ai un énorme défaut : j'ai horreur de perdre. Et j'aurais tellement voulu finir sur une victoire. Mais je n'oublierai jamais ce public.
Quel regard portez-vous sur cette dernière saison ? C'est un peu à l'image de ce dernier match : on a rarement été chahuté, on a plutôt été cohérent dans le jeu mais on n'a pas eu cette capacité à marquer des buts. On n'a jamais été au niveau des premiers mais je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent qu'il y a eu un manque d'investissement des joueurs, ce n'est pas vrai. Mais il ne faut pas oublier que des joueurs comme Moimbé, Traoré ou Birama Touré n'ont pas été remplacés.
C'est donc que le recrutement n'a pas été à la hauteur...
Le recrutement est l'une des clés de la réussite et, pour moi, cette responsabilité doit incomber à l'entraîneur. Quand l'entraîneur, qui doit être un élément majeur dans ce domaine, est hors-circuit, c'est une erreur.
L'arrivée de Jean Costa au poste de directeur sportif voulue par Yvon Kermarec vous a-t-elle écarté de ces prérogatives ? On s'est quittés tous déçus en mai dernier d'avoir raté la montée, les joueurs, le président, le staff, mais est-ce qu'on allait mal ? Est-ce que cet échec était de nature à tout remettre en cause ? Le président Kermarec a balayé la cellule du recrutement d'un revers de la main et, au final, je me suis retrouvé avec un groupe de 30 joueurs que je ne connaissais pas et dém... toi avec ça. Cette façon de travailler était sans issue. J'ai d'ailleurs été inquiet et ça aurait même pu nous amener dans le gouffre.
En voulez-vous au président Kermarec d'avoir pris cette décision ? Pas du tout et, attention, je ne cherche pas à me dédouaner. Il pensait avoir trouvé la meilleure formule comme ça. J'ai été frustré, oui, mais je ne me réfugie pas derrière ça. D'ailleurs, j'aurai pu dire au revoir. Au bout de ces trois ans, je vais être jugé sur la non-remontée mais le projet a changé l'été dernier. Il me correspondait lors des deux premières saisons mais pas lors de la troisième.
Dès lors, pourquoi être resté dans ce contexte ? Parce que je me suis engagé pour trois ans et que la vocation d'un entraîneur est d'aller au bout de son contrat et de tirer le meilleur de son groupe. Et que je suis revenu il y a trois ans car je croyais beaucoup en ce club.
Que répondez-vous à ceux qui vous ont reproché cette saison de ne pas ouvrir assez la porte aux jeunes ? Qui a lancé Mathias Autret ? Qui a fait jouer Nolan Roux alors qu'il sortait du centre de formation de Lens ? Je n'ai jamais eu aucun problème avec les jeunes. Un jeune doit être soumis à la même concurrence que les autres, seul le niveau compte. On doit les inviter à montrer ce qu'ils savent faire à un moment tout en faisant attention de garder un équilibre psychologique à l'équipe. Mais quand tu attaques la saison avec 30 joueurs, dont 12 ou 13 que tu ne connais pas, forcément, tu donnes priorité aux pros pour construire l'équipe.
Avez-vous été sollicité par Denis Le Saint pour donner votre sentiment sur l'avenir du club et que pensez-vous de son projet et sa volonté de donner la part belle à la formation régionale ? Non, Denis Le Saint ne m'a pas demandé mon point de vue. La suite lui appartient et je lui souhaite le meilleur. Après, sur cette idée de formation régionale, pour moi, le salaire, l'âge, la couleur de peau, tout ça n'a aucune importance. Une équipe de foot, aujourd'hui, est multiraciale, multiconfessionnelle et un entraîneur doit être capable de la faire progresser, c'est tout. Et je pense aussi que dans un club qui marche, ce ne sont pas les wagons qui poussent la locomotive mais plutôt le contraire. On bâtit un club avec des résultats avant tout.
Selon vous, dans quels domaines le club doit-il progresser ? Il doit se doter de meilleures infrastructures, des terrains. Après, je ne sais pas si c'est un frein, on est monté (2009-2010) et on a même été premier de Ligue 1 (au soir de la 11e journée, saison 2010-2011) en partageant le synthétique de Penhélen avec l'école de foot, alors... L'équipe de télé qui était venue faire un reportage sur nous ce jour-là hallucinait. Après, quand j'entends parler de stade... Je n'ai jamais vu des tribunes marquer un but. Le Blé, il colle bien à Brest. Par contre, j'ai dit au Maire que c'était dégueulasse de changer la pelouse quand je partais (rires).
Vous avez tenu à remercier vos deux présidents : Yvon Kermarec mais aussi Michel Guyot alors que cela s'est très mal fini avec ce dernier et que vous ne le voyez plus depuis. Pourquoi ? Parce que les deux m'ont fait confiance. J'ai d'énormes souvenirs avec Michel. Son fils (Erwan) m'a dit vendredi soir : « Vous étiez les mêmes tous les deux ». Je lui ai dit que j'espérais bientôt revoir son père (ému). Je sais qu'il est souvent dans le Sud de la France, j'espère le retrouver bientôt pour une partie de boules. Je ne lui en veux pas de m'avoir viré à quatre journées de la fin (saison 2011-2012), je lui en ai voulu pour l'après. Il s'est épanché sur moi pour justifier l'injustifiable. Je méritais plus de dignité et plus de respect, je ne lui reproche que ça. Et puis aussi parce que je pense avoir contribué - pas tout seul, mais avec le président Guyot et le président Kermarec - à faire retrouver sa fierté à ce club qui avait perdu de sa superbe et le stabiliser à un niveau qui se situe dans le premier tiers de la Ligue 2. Aujourd'hui, on parle plus de remonter en Ligue 1 que de Vabec et j'en suis fier. Brest est un club qui me correspondait, oui. Je crois que nous étions fait l'un pour l'autre.
227 matchs, 84 victoires
Saison 2008-2009 : Ligue 2 (4 m., 2 v. ; 2 d.).
2009-2010 : Ligue 2 (38 m. ; 20 v. ; 7 n. ; 11 d., 2e).
2010-2011 : Ligue 1 (38 m., 11 v. ; 13 n., 14 d. ; 16e).
2011-2012 : Ligue 1 (33 m. ; 7 v., 15 n. ; 11 d.).
2013-2014 : Ligue 2 (38 m., 15 v. ; 11 n. ; 12 d. ; 7e).
2014-2015 : Ligue 2 (38 m. ; 14 v. ; 15 n. ; 9 d. ; 6e).
2015-2016 : Ligue 2 (38 m. ; 12 v. ; 11 n. ; 15 d. ; 10e).
En complément
Epoque Dupont
On le sait, tout va très vite dans le football et une époque peut même être balayée par un entraîneur, d'un petit geste de la main, le temps de quitter le stade la tête basse. Puis de plonger dans le tunnel de « ses » vestiaires dont l'odeur va lui manquer et lui reviendra aux narines, parfois, à moto, sur les hauteurs de la Turbie ou quand il regardera la météo pour savoir quel temps il fait à Brest. Contrarié par un dernier match nul sans conséquence - c'est dire si c'est le foot qui le porte -, Alex Dupont a donc quitté le Stade Brestois vendredi soir par une porte un peu trop petite, quand même, au regard d'une oeuvre qui n'a, cette fois, plus le goût d'inachevé. C'était vraiment le bout, cette fois. Et c'était moins bien, forcément. Il n'y a même pas eu de sauvetage à la dernière journée et encore moins de montée. Juste une 7e, 6e et 10e place, faisant aujourd'hui un vrai club de Ligue 2. Ça ne vaut ni une montée ni un titre ni une Coupe, mais un petit coup de chapeau quand même. E. D.
© Le Télégrammehttp://www.letelegramme.fr/football/dupont-ce-club-me-correspondait-15-05-2016-11068441.php#G6IBEyhxQzFBDP6K.99