Une pensée pour celle qui est partie avant l'heure.

Foot. Le dernier bal des «Clodettes»


Le bénévolat a des limites que la raison ignore. Connues comme les «Clodettes» de la buvette, en bas de la tribune de la route de Quimper, Anne Jaffret et Marie-Louise LeGall arrêtent cesoir, à 75 et 78ans. Avec un pincement au coeur.


Les starlettes customisées du football du XXIesiècle, qui changent de club comme de coupe de cheveux, en glissant sur des planches à billets jamais assez grandes, peuvent bien aller se rhabiller. Si les clubs gardent une âme et se tissent une histoire, c'est, certes, en partie grâce aux joueurs qui traversent le temps mais aussi grâce à ces fourmis qui oeuvrent à l'oeil, pour la belle et envahissante passion qui les étreint depuis des lustres. Marie-Louise Le Gall et Anne Jaffret sont de ce bois. Cent ans de bénévolat à elles deux: un siècle et quelques années, si l'on accepte d'ajouter au duo l'éternelle troisième drôle de dame, Ginette Flochlay, partie tutoyer les anges du ballon rond, il y a deux ans. Leur aventure rouge et blanc s'est passée derrière une buvette ou à faire les casse-croûte, sans rechigner, en toute normalité. «Ça a commencé quand on amenait les enfants jouer au foot. Un jour, on m'a demandé si je pouvais faire les sandwiches». Pour Anne Jaffret, cela fait 40 ans, pour Marie-Louise Le Gall, 60. «J'ai rencontré mon mari ici», raconte-t-elle, les pieds plantés dans le sol de l'Armoricaine.

Vingt gugusses sur le toit

Alors, fatalement, les anecdotes se ramassent à la pelle dans l'armoire rouge et blanc où s'entassent les souvenirs. Les matchs de première division, «où la buvette était tout le temps ouverte. On voyait les joueurs en déplacement, jamais à domicile. Des fois, on montait sur des caisses de bière pour se jucher un peu». Même dans l'enfer des divisions oubliées, elles sont restées à poste, «quand il restait 300bonshommes de l'autre côté». En signe d'attachement viscéral, et de ce ventre qui se noue «contre Lens, il y a 30 ans», avec 20gugusses empilés sur le toit en préfabriqué de leur baraque ou lors de la remontée contre Strasbourg, en 1988. «Ce soir-là, on a fait la fête. Je suis rentrée à 4h30 à la maison mais j'avais pris le journal pour voir les commentaires».

Épilogue

Mais le temps est assassin. Il a déjà fauché l'une des «Clodettes» et oblige aujourd'hui les deux autres à passer les clés du cabanon. «Je ne veux pas faire l'année de trop», dit Anne Jaffret, sérieuse comme Thierry Henry après un but. Pour les remercier, Michel Guyot leur a promis un abonnement de 30 ans, «plus dix si ce n'est pas assez». Sûr, elles reviendront faire palpiter leur coeur rouge et blanc à chaque fois, l'an prochain. Ce soir, quand elles fermeront la buvette après avoir fait les comptes, les «Clodettes» fermeront aussi une immense page du grand livre Stade brestois. Une page qui a fait et fera la gloire de ce sport populaire et qui doit le rester. La dernière ligne? «La gagne et rien d'autre». On ne se refait pas.

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