Quel regard portez-vous sur vos cinq ans et demi de présidence ?
C’est beaucoup de passion, de partage, d’investissement personnel, aussi. Ça requiert de l’envie, et on ne fait pas ça que pour soi. Avec Gérard (son frère, ndlr), on est des footeux, des passionnés. Mais s’il y a une chose que j’ai comprise, c’est qu’on réussit grâce et avec les gens. Un stade de foot, c’est un lieu de vie intense. Quand on gagne un match, on ressent des émotions que peu de choses procurent.
Combien de temps vous voyez-vous encore à la tête du Stade brestois ?
Je ne me suis fixé aucun objectif. J’ai dû faire plus de vingt ans à la présidence ou à la vice-présidence de Bourg-Blanc et j’y suis encore, donc bon (sourire).
Prenez-vous du plaisir à exercer ces responsabilités ? On a parfois le sentiment d’une présidence de raison plus que de passion…
Ah non, je suis passionné ! L’envie de gagner, de partager ça avec le plus grand nombre, est bien là. Après, je ne suis peut-être pas le plus démonstratif.
Votre parole reste très rare : est-ce par choix ou par nature ?
C’est ma manière d’être, ma nature. Je ne suis pas quelqu’un qui a besoin ou envie d’être sur le devant de la scène. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne travaille pas.
Cette rareté dans l’espace médiatique fait que le visage du club en vient à être celui de votre directeur sportif, Grégory Lorenzi.
Cela ne me dérange pas. C’est le club qui compte, pas moi. Et avec « Greg », on échange en permanence.
L’une des caractéristiques de votre présidence est votre relation très forte avec Grégory Lorenzi. La qualité de son travail ne passant pas inaperçue, ne craignez-vous pas de le perdre, à terme ?
Avec Grégory, la confiance est totale, c’est vrai. Mais j’ai l’habitude de gérer des collaborateurs. C’est un peu mon métier que de gérer des responsables, des directeurs. Avec Greg, ça se passe bien, on a une relation très forte, on est proche de sa famille. Après, que nous réserve l’avenir ? On ne sait pas…
En fin de saison dernière, quand le club traversait une situation compliquée, n’aurait-il pas été bénéfique de vous entendre publiquement ?
On a vécu une fin d’année compliquée, avec un coach qui nous a lâchés. Stratégiquement, je ne pouvais pas prendre la parole pour ne pas modifier la tournure des choses. Il fallait surtout rester discret, je pense. Dans le cadre de modifications non prévues, je pense qu’il vaut mieux rester sur la réserve plutôt que de s’exprimer sur des situations qu’on ne maîtrise plus.
Comment avez-vous vécu cette période ?
Pas simple. Je suis loin d’être aussi stressé en affaires que je peux l’être avec le foot. Mais c’est aussi ça qui fait que les émotions sont si fortes. Il y a cette part d’aléatoire qui existe moins dans le monde des affaires, où les choses sont plus calées.
Et en début de saison, quand l’équipe ne parvenait pas à gagner ?
Je l’ai toujours dit autour de moi : je n’ai jamais douté de la qualité de l’équipe et de celle du coach. On a une meilleure équipe que l’année dernière et il fallait du temps au nouvel entraîneur pour trouver ses marques. Je n’ai jamais perdu confiance, je me disais que ça n’était pas possible que ça ne marche pas.
Brest a toujours été un club de transition. Pas de passage, mais un petit peu quand même. On doit être un club qui lance des talents. Quelle a été votre réflexion durant l’été au moment de trouver un remplaçant à Olivier Dall’Oglio ?
On voulait un coach qui nous ressemble. Et avec du tempérament, si possible. Ici, à la pointe, c’est que nous sommes : il faut du caractère. Quand on a su que Michel était libre, on s’est positionné, et on est ravi qu’il ait validé le projet brestois bien qu’il pouvait aspirer à diriger des clubs plus huppés que le nôtre. Michel, j’avais déjà voulu le faire venir par le passé, je voulais déjà partager une aventure avec lui parce que c’est quelqu’un qui nous ressemble : travailleur avec du caractère mais aussi de l’affect. Il suffit de le voir avec ses joueurs quand il les fait sortir : il est tactile, notre ami. C’est une très belle personne. Et il n’a jamais vu l’ombre d’un doute concernant notre collaboration. Au contraire, je le rassurais en lui disant que ça allait venir.
Des présidents auraient sans doute songé à le limoger quand ça ne gagnait pas…
On peut se tromper sur un coach, mais c‘est qu’on n’a pas bien réfléchi au profil. Quand on a fait appel à Jean-Marc (Furlan), on connaissait ses qualités pour faire monter une équipe de Ligue 2 en Ligue 1, basées sur le jeu. Après, quand il a été question de préparer l’après Furlan, on voulait monter d’un cran au niveau du plaisir de jeu : on hésitait entre Dall’Oglio et Pellissier. Et on est monté d’un niveau de jeu. Alors oui, on marquait, mais on encaissait aussi…
Denis Le Saint est président du Stade Brestois depuis 2016. Que préférez-vous ?
Marquer, c’est toujours sympa. Trop fermer le jeu n’est jamais marrant pour le public. On a vécu des matchs à Brest, par le passé, où marquer un but était presque un exploit… C’était triste, quand même. Là, on a un coach qui soigne sa défense, et qui sait marquer des buts.
Cette saison, tout de même, l’équipe a parfois joué à l’envers. Vous n’avez jamais pensé intervenir ?
Ce n’est pas ma nature. Greg est le patron du « sportif » et entretient des relations très fortes avec le coach. Quand ils ont à échanger sur des schémas, ils le font. Moi, j’échange avec Greg sur ce que je vois. Avec Gérard, on fait passer des messages qui sont les nôtres, mais c’est quand même au technicien de faire ses choix.
Quel regard portez-vous sur ce que montre l’équipe après 18 journées ?
Je suis très satisfait. On est douzièmes, c’est bien. Aller prendre trois points à Troyes, ce serait pas mal pour finir l’année, mais en prendre un serait déjà bien. Je pense que Michel a créé les liens qui vont bien avec le groupe pour que celui-ci soit en situation de donner le meilleur.
Quelle est votre principale satisfaction depuis votre prise de fonctions, en 2016 ?
D‘avoir réussi à conduire le club le plus sereinement possible. J’ai toujours dit que le niveau de Brest se situe entre la 12e place de Ligue 1 et la 10e de Ligue 2. Là, on est 12e, donc au plus haut de ce que j’avais imaginé. Et cette année, on a de la qualité et des joueurs qui n’ont pas encore tout montré. On peut avoir de belles surprises sur la poule retour.
À quel mercato d’hiver doit-on s’attendre ?
J’ai du mal à l’évoquer, je ne suis pas fan. Il y a le temps d’adaptation à la structure et au coach pour le joueur et parfois, ça peut prendre 3-4 mois. Et financièrement, surtout, on n’a pas les moyens.
Avez-vous une position établie sur un possible départ de Romain Faivre ?
Greg a vu son agent, il y a des accords validés sur un départ de Romain sous certaines conditions. Pour nous, qu’il finisse la saison à Brest, c’est l’objectif premier.
Il pourrait être vendu dès cet hiver et prêté dans la foulée à Brest jusqu’à la fin de saison ?
Il y a plusieurs schémas possibles. Romain est encore jeune. Il faut qu’il gagne en maturité, en plaisir de jouer. Dans le groupe dans lequel il est actuellement, il peut s’épanouir encore. Demain, si on a un talent hors-norme, c’est logique que Brest ne soit qu’un club de passage, nous sommes par exemple très heureux de la carrière de Franck Ribéry.
Si départ de Romain Faivre il y a, cela sera le seul ?
Il n’y a pas lieu, il n’y en aura pas d’autres.
Évoquons les finances. Avez-vous déjà anticipé les pertes auxquelles le club s’expose en fin de saison ?
On a fait les plans. Si on est obligé de se séparer d’un joueur comme Romain, c’est aussi par raison financière.
Le club aura besoin de cet argent ?
Oui.
À combien se chiffrent les pertes liées à la Covid-19 et la faillite de Mediapro ?
On a fini à moins 4,5 millions au 30 juin dernier. En fin de saison, on verra bien.
Vous avez pourtant vendu Romain Perraud 13 millions en juillet…
C’est simple : on a 16 millions d’euros de dotation en moins par an, et sur quatre ans. On a fait l’année 1 à moins 4.5 millions et nous sommes dans l’année 2. Derrière on aura encore l’année 3 et l’année 4. La Ligue est en train de trouver une solution pour aider les clubs, les négociations sont en cours. Mais financièrement, c’est très compliqué.
À lire sur le sujet Stade Brestois. En vacances jeudi matin, pour une reprise de l’entraînement le mercredi 29 décembre Et en juin prochain ?
L’objectif, suivant la vente que l’on sera amené à faire, est d’aborder la troisième année plus sereinement.
Brest est donc contraint d’aller chercher des pépites qu’il revendra à prix cher ?
Brest a toujours été un club de transition. Pas de passage, mais un petit peu quand même. On doit être un club qui lance des talents. Comme nous n’avons plus trop les moyens d’aller acheter, il faut découvrir. Et c’est là qu’il faut être bon.
Quelles sont les ambitions du club, à plus long terme ?
Toujours faire un peu mieux, et donc créer les conditions pour.
Et si vous vendez plus de fruits et légumes, vous injecteriez plus d’argent dans le club ?
On fait déjà pas mal (sourire). On fait en fonction de nos moyens, on essaye de créer du lien, de fédérer pour que notre histoire soit durable.
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