Je met l'article du TLG pour ceux qui ne peuvent l'ouvrir sur internet :
Citation:
Stade Brestois/Nolan Roux. "J'en ai pleuré tout seul dans ma voiture"
4 avril 2012 à 12h00 - Réagir à cet article
Après la victoire de Lille contre Toulouse dimanche soir (2-1), une semaine avant son retour attendu à Francis-Le Blé, Nolan Roux a accordé une longue interview au Télégramme où il revient, depuis son nouveau domicile lillois, sur son départ de Brest et raconte sa nouvelle vie.
- Vous voilà à Lille depuis plus de deux mois. Comment se passe votre adaptation à votre nouvelle équipe ?
Ça se passe vraiment bien. Je joue dans une équipe offensive où il y a plein de situations pour marquer. Mais, dans le jeu, je dois encore m’adapter à certains partenaires, je ne connais pas encore tout le monde par cœur.
"Dans ma tête, c’était clair, j’étais à Brest au moins jusqu’à la fin de la saison"
- Avec le recul, comment avez-vous vécu votre transfert qui a été réglé très vite en janvier dernier ?
Je savais depuis quelques mois que Lille s’intéressait à moi mais je n’avais imaginé partir au mois de janvier. J’avais même dit à mes agents que je ne voulais rien entendre côté transfert. Dans ma tête, c’était clair, j’étais à Brest au moins jusqu’à la fin de la saison. Puis, je me souviens, le mardi matin (ndlr : 14 janvier), certaines personnes ont commencé à me dire : alors, tu nous quittes ? Moi, je n’étais au courant de rien. Puis le président m’a appelé dans l’après-midi pour me dire qu’il avait accepté la proposition de Lille et qu’une conférence de presse était organisée le soir-même pour officialiser mon départ. Voilà. Je n’ai pas beaucoup dormi dans les jours qui ont suivi. Je n’étais pas bien. Je n’arrêtais pas de me dire : est-ce que c’est bien de partir là, comme ça, maintenant ? Après, une carrière est tellement courte...
- Avez-vous conscience maintenant d’avoir été le joueur symbole du Stade Brestois, notamment auprès de la jeune génération ?
Je n’ai jamais vraiment fait attention à ça. Bon, c’est vrai que j’ai parfois passé une heure à signer des autographes mais ça n’a jamais été une contrainte car je sais comment sont les gens par rapport au foot, surtout à Brest. Mais avoir le sentiment d’avoir été un joueur important de cette équipe, ça, oui, je l’ai ressenti. Et d’avoir toujours eu la confiance du coach, aussi. J'ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec Alex Dupont. Et avoir partie de cette aventure, pfff...
"Le championnat finit le 20 mai, le 21, on sera à Brest"
- Maintenant que vous êtes installé dans votre nouvelle ville, qu’est-ce qui vous manque le plus par rapport à votre vie à Brest ?
La mentalité des gens. En plus, en ce moment, je joue moins alors je retournerais bien à Brest pendant trois mois (rires). Quand je repense à tous les gens que j’ai connus là-bas et tout ce qu'ils ont fait pour moi. On parlait des vacances l’autre jour avec ma femme, on cherchait des endroits où aller après le championnat. Elle m’a dit : "Et pourquoi on n’irait pas à Brest ?". Le championnat finit le 20 mai, le 21, on y sera. Ce qui est formidable lors de mes trois ans passés à Brest, c’est que j’ai aussi rencontré beaucoup de gens en dehors du foot, comme mon pote Yvan (ndlr : Yvan Crenn est le vainqueur 2011 de la Labrax Cup, un challenge national de pêche sportive du bar aux leurres, dont le siège est basé à Plouarzel). Ça me manque de ne plus aller à la pêche avec lui. Je l’ai rencontré un peu par hasard, il m’a dit de venir avec lui et il m’a tout appris de la pêche au bar. La première fois que j'y suis allé, j’ai pris 11 bars et lui 2 ! J’y ai pris goût. J’ai aussi rencontré un ostréiculteur, j’allais avec lui dans la vase, j’aimais bien. La mer me manque, c’est vrai.
- Quels ont été les premiers mots de Rudi Garcia à votre arrivée ?
Il m’a dit qu’il y avait un gros projet à Lille, avec le grand stade et que je faisais partie intégrante de ce projet-là. Il m’a aussi dit de ne rien changer à mon jeu, de ne pas perdre mon instinct de frappe. De jouer comme à Brest.
De "la curiosité" avant de découvrir Lille
- A Brest, justement, c’est vous qui deviez ouvrir les brèches par vos appels de balle. A Lille, c’est différent car certains de vos partenaires sont capables de le faire. Votre rôle sur le terrain doit-il évoluer ?
Ce qui change surtout et qui est plus dur pour moi, c’est qu’à domicile, on a souvent la possession du ballon et les équipes adverses campent dans leurs trente derniers mètres. Rudi Garcia m’a dit de ne pas être surpris d’avoir des ballons qui t’arrivent comme ça dans les pieds. Il faut être là dans la surface. Ce soir (dimanche contre Toulouse, 2-1), j’ai joué sur un côté, c’est nouveau pour moi. J’en ai parlé avec Romain Poyet, notamment sur l’aspect défensif de ce poste car je n’ai jamais joué sur un côté. Heureusement, Rio (Mavuba) ou Flo (Balmont) me guident. En deux matchs, je ne crois pas avoir oublié de défendre sur mon gars. Je fais vraiment gaffe à ça mais c’est un peu bizarre pour moi.
- Avez-vous ressenti lors des premiers jours une certaine appréhension à vous entraîner à côté de joueurs comme Cole ou Hazard, à débarquer dans un club aussi huppé que Lille ?
Non, pas d’appréhension, mais de la curiosité. Sur la façon de vivre de ces joueurs de très haut niveau. J’ai été impressionné par un gars comme Rozenhal (ndlr : défenseur international tchèque ayant joué au PSG, à la Lazio Rome et à Hambourg) qui ne laisse rien au hasard. Il y a entraînement à 15 h, il est là à 14, il donne tout pour son métier. Ça me montre aussi ce qu’il faut faire pour durer. Il y a le talent bien sûr, c’est la première chose, mais il faut aussi être professionnel jusqu’au bout des ongles. Mais je suis arrivé ici comme je suis. Mon caractère n’a pas changé et ne changera pas. Il est trop tard pour me faire changer. C’est aussi grâce à cela que je suis arrivé là et ce n’est pas parce que je joue à Lille que je vais changer de comportement.
"Le coach Garcia nous inculque que c’est ensemble que l’on peut faire de grandes choses"
- Les conditions d’entraînement, par contre, ça a du vous faire tout drôle ?
Ça, c’est sûr. Le domaine de Luchin (ndlr : domaine de 43 ha regroupant le siège du club et le centre de formation et d’entraînement du club), c’est vraiment impressionnant. Tout est étudié pour te faire progresser. A mon arrivée, j’ai fait des tests sur la jambe gauche, sur la jambe droite et j’avais un déficit sur la jambe droite. D’entrée, j’ai eu quinze jours pour rattraper.
- On sait qu’à Brest, vous preniez souvent vos petits déjeuners entre joueurs. Les relations sont-elles aussi amicales entre les joueurs dans un club comme Lille, avec de tels moyens et de telles ambitions ?
Oui, je retrouve ici aussi cette simplicité dans les rapports entre joueurs même si certains d’entre eux ont une grande carrière. Il n’y a pas de distance, même pour moi qui vient d’un plus petit club. On m’a tout de suite fait comprendre que je faisais partie du truc. J’ai aussi eu droit à ma petite chanson, j’ai chanté celle de Corneille : "Avec classe". Le foot est le sport collectif le plus individualiste, c’est malheureux mais c’est comme ça. Mais le coach Garcia nous inculque que c’est ensemble que l’on peut faire de grandes choses. On peut se demander si on marquerait autant de buts sans Hazard, par exemple, mais il y a toute une équipe derrière lui et qui joue pour lui. Mais lui, il est là, comme les autres, il fait les efforts. Je ne sais pas s’il est vraiment conscient de
ce qu’il réalise. Tout est naturel chez lui, il ne fait jamais rien dans l’excès, sur le terrain comme en dehors.
"Signer quatre ans, c’est surtout une preuve de confiance"
- Après cette victoire face à Toulouse (ndlr : 2-1, dimanche dernier), l’Europe se rapproche. Jouer la Ligue des champions, y pensez-vous ?
Non, pas encore. Je suis dans la saison, j’essaye de gagner du temps de jeu, de marquer des buts. Mais c’est vrai que la Ligue des champions, ce n’est pas négligeable. On n’a pas tous l’occasion de la jouer.
- Vous avez signé pour quatre ans et demi au Losc. Arrivez-vous à vous projeter jusque-là ? Vous aurez 28 ans...
Déjà, je viens d’avoir 24 et ça m’a fait tout drôle. Maintenant, en Ligue 1, à 24 ans, tu n’es plus jeune. Tu joues contre des mecs qui ont 18, 20 ans et qui jouent pour certains comme des mecs de 30 ans. Signer quatre ans, c’est surtout une preuve de confiance, on ne te fait pas signer un an pour voir ce que tu vaux. Mais si je veux vraiment progresser, c’est là, dans les deux saisons qui viennent. Ce que je vis maintenant, c’est un peu du bonus car être transféré au mois de janvier, ce n’est jamais facile. Et d’arriver après un gars comme Moussa Sow (ndlr : meilleur buteur du championnat la saison dernière) non plus. J’ai commencé fort ici (ndlr : un doublé pour son premier match contre Saint-Etienne et cinq buts lors des cinq premiers matchs), mais, en ce moment, je joue un peu moins. Je n’ai encore rien prouvé. Il y a de la concurrence, l’année prochaine, d’autres attaquants vont arriver, c’est à moi de faire mes preuves. Mais attaquer la saison prochaine dans la peau de quelqu’un qui est déjà, ce sera aussi un avantage.
Face à Brest, "personne ne m’a dit que je ne jouerai pas"
- Hors du foot, comment passez-vous votre temps dans votre nouvelle ville ?
Avec Laura, on aime bien rester à la maison tranquille ou se balader un peu en ville, acheter quelques petits trucs pour l’appartement. On va parfois chez ses parents (ndlr : qui habitent près de Lens), on a reçu pas mal de monde aussi. Nos familles, en tout cas, sont ravies qu’on soit là, elles peuvent voir la petite plus souvent. Sinon, je ne suis pas trop ciné, je préfère regarder des films à la maison. Pour tout vous dire, en deux ans et demi à Brest, je n’y suis pas allé une fois.
- Au moment de votre transfert, le président Guyot avait évoqué un accord entre les deux parties pour que vous ne jouiez pas. Qu’en est-il ?
Je ne sais pas. A l’heure où je vous parle (l’interview a été réalisé dimanche soir), personne ne m’a dit que je ne jouerai pas.
- Avez-vous envie de jouer ce match ?
Oui, bien sûr, même si ça va me faire tout drôle de jouer contre des personnes que j’apprécie autant. Quand je suis revenu avec Brest à Lens, on m’a dit : "tu vas voir, ça va te faire bizarre", ça ne m’a rien fait du tout. Mais, là, j’ai passé deux saisons extraordinaires, il s’est passé tellement de choses, la naissance de la petite (Maëly) déjà.
"Quand je suis passé à Landivisiau, devant le magasin Quéguiner, j’ai pleuré"
- A quel accueil vous attendez-vous ?
J’aurai vraiment préféré revenir dans un autre contexte pour Brest mais c’est comme ça. Je peux comprendre les supporters qui ne sont pas contents que je sois parti. Je ne demande pas une ovation, ce n'est pas mon style, j’aurai même peut-être des sifflets, qui sait ? Mais, pour moi, c’est un très grand plaisir pour moi de revenir. Même si avec un autre maillot, ça va faire tout drôle. Quand je suis parti, j’ai entendu des supporters parler de moi comme un lâcheur, quelqu’un qui laissait tomber ses partenaires, ce n’est pas du tout ça. Car je peux vous dire que je ne faisais pas le malin à ce moment-là. J’ai pris la route de Lille tout seul en voiture, ma femme et la petite étaient restées à la maison. Et quand je suis passé à Landivisiau, devant le magasin Quéguiner, tout est remonté à la surface. J’ai pleuré tout seul dans ma voiture.
- Vous imaginez-vous marquer un but samedi ?
Pas vraiment mais je ne pense pas encore au match même si ça va venir vite. Intérieurement, je serai content pour moi et pour mon équipe. Mais, et ça n’a rien à voir avec le classement de Brest, je ne pourrai pas célébrer un but marqué contre Brest. (pensif). Non, impossible.
Propos recueillis par Eric Daniellou