Recueilli par David GUÉZENNEC et Vivien DUVAL.
Publié le 12/10/2023

À l’occasion d’une rencontre avec des lecteurs de Ouest-France, ce mercredi 11 octobre au centre d’entraînement de Kerlaurent, l’entraîneur du Stade Brestois Eric Roy s’est attardé sur sa vision du management, la santé mentale des joueurs où encore la gestion des émotions en compétition.


Le management
« Dans le management, ce qui est important, c’est de comprendre et d’analyser ce dont chacun a besoin et de quelle manière les diriger. La réalité est qu’ils sont tous différents, mais ils doivent faire partie d’un groupe et d’un collectif qui doit savoir travailler ensemble. La difficulté, c’est ça.

Aujourd’hui, la réalité, c’est que les 25 qui sont dans le vestiaire passent plus de temps ensemble qu’avec leur femme et leurs enfants. La vie de groupe est importante, mais comment bien vivre ensemble avant de bien jouer ensemble ? Quelles sont les valeurs que le groupe veut défendre ? Quels sont les moyens qui vont être mis en place pour avoir une bonne qualité de vie ? C’est dans ce cadre-là que rentre un management participatif. On a demandé aux joueurs d’établir une charte de vie. Cinq valeurs à défendre sont ressorties : respect, solidarité, travail, humilité et ambition. Je pense que c’est beaucoup plus partagé par le groupe si ce sont eux qui définissent les règles de vie que si c’est un entraîneur qui arrive et qui les impose. Si demain un joueur sort de ce cadre, c’est facile pour moi de le sortir en lui disant qu’il n’est pas dans le projet de vie auquel il a lui-même participé, et je pense que c’est plus facile aussi pour eux de le suivre à partir du moment où ce sont eux qui l’ont établi. »

La gestion des émotions
« La gestion des émotions, dans le sport de haut niveau aujourd’hui est très importante. Et c’est ça la différence avec du management en entreprise. On s’en rapproche beaucoup. La seule différence, c’est qu’il y a beaucoup plus d’émotionnel dans notre milieu que dans une entreprise normale. La gestion de l’émotion est plus difficile. Par exemple Mahdi (Camara) que je sors à la mi-temps contre Toulouse pour différentes raisons et pas parce qu’il fait un mauvais match, forcément il n’est pas content. Il ne l’aurait pas été, même sorti à la 70e minute. Mon rôle est de faire des choix et de, derrière, parler avec le joueur pour le rassurer.

Tout a une réflexion. Le foot, c’est un sport tellement difficile à appréhender, à comprendre. Quand vous réfléchissez à un match, que vous mettez quelque chose en place, vous ne savez jamais vraiment comment ça va se passer. Il peut y avoir tellement de scénarios que vous imaginez dans votre tête qu’il se passe toujours un truc différent. La gestion du match est en temps réel et elle est liée aussi à nos émotions à nous. »

La santé mentale
« Il y a un préparateur mental qui est à la disposition des joueurs. Je trouve que c’est important que le club puisse mettre en place des choses pour les joueurs, s’ils ont besoin de parler, de discuter. C’est rassurant, parce que ça permet à certain de dire des choses qu’ils ne peuvent pas dire à leur entraîneur. C’est toujours difficile pour un joueur de dire à son entraîneur : « Je ne me sens pas bien en ce moment ». C’est difficile, parce que ça peut être pour des raisons personnelles, ou même sportives. Le joueur peut se dire après : « Si je lui dis ça, il ne va plus me sélectionner après pour jouer les matches ». D’avoir quelqu’un à qui il peut le dire, en gardant ce secret médical, c’est important.

Après il y a des joueurs qui sont plus stables que d’autres. C’est toujours pareil : ça vient de la personnalité du joueur, de son éducation, de ce qu’il a vécu dans son enfance, etc. La chose qui est importante, c’est de se dire que ce n’est pas parce qu’on gagne de l’argent, qu’on est un sportif, qu’on ne peut pas avoir des moments de déprime. Ça fait réfléchir sur notre métier, sur le lien qu’on peut avoir avec ses joueurs, de pouvoir déceler quand il y a des choses qui ne vont pas. »

Se détacher du regard des autres
« Le rôle d’un entraîneur, c’est de prendre des décisions. Et des décisions dans un club de foot, on en prend 500 dans la journée, des petites décisions, des grandes décisions de l’heure d’entraînement jusqu’à quel joueur je vais mettre dans le onze de départ. Les décisions d’avant match sont plus faciles, car tu as le recul, les éléments, mais dans le match, dans le feu de l’action, c’est plus compliqué. Il y a la gestion des émotions, des choses qui te traversent et te mettent parfois en colère. Et il faut malgré tout prendre la moins mauvaise décision pour l’équipe. On juge un entraîneur sur ses résultats et c’est un peu dur. Souvent, le public, les journalistes, n’ont pas les éléments qu’on a. Des décisions peuvent être mal comprises. Dans le match, il y a beaucoup d’intuition. Sur le match de Toulouse, on voulait revenir au score, j’ai essayé de passer à deux attaquants. J’ai fait rentrer Martin (Satriano) aux côtés de Steve (Mounié) alors que souvent l’un remplace l’autre. L’esprit c’était de se dire “on va mettre un peu plus de poids dans la surface” et on s’est rapidement rendu compte que c’est la période où on était le plus en danger sur les transitions adverses, alors qu’on ne l’avait pas vraiment été pendant le match. On perdait l’équilibre, alors on a rectifié, on est revenu dans un schéma plus habituel. »