LES EXCES D'ASTROPOLIS
Festival techno et déferlante punk
Brest, le 08/08/2005 - Astropolis, le festival de musique techno en Bretagne a battu tous les records d'affluence samedi 6 août. Il faut dire que la 11ème édition recevait entre autres, le groupe Bérurier Noir, figure emblématique du punk à la française. Manu le Malin, vétéran du festival nous donne son point de vue sur cette édition.
Brest, l'extrémité ouest de la France, un samedi du mois d'août. La cité navale est quasi déserte... Pourtant, un événement est attendu par plus d'un : la onzième édition d'Astropolis. Ce rendez-vous techno est né illégalement en 1995 dans un champ de Bretagne avec entre autres Manu le Malin, Liza 'N' Eliaz et Laurent Hô. Depuis, la programmation s'est diversifiée, passant de la techno hardcore à la drum'n'bass, de la house au hip hop.
Mais cette année, un événement vient s'ajouter à ce rassemblement : le retour des Bérurier Noir, les vétérans du rock alternatif français, tout juste reformés l'année passée. "Transformés" préfère dire Loran, le guitariste du groupe, qui se produit ce samedi soir sous le nom de Kamouflage avec les principaux artistes de son label Folklore de la Zone Mondiale. La rencontre de deux mondes qui s'ignorent sans doute, le punk et la techno, mais qui ont bien des façons de faire en commun.
Bousculades
Rendez-vous est donné au centre de Brest pour attraper les navettes qui convergent vers le Manoir de Keroual en pleine campagne bretonne. La compagnie de bus est dès le début de soirée dépassée par les événements, la foule étant plus nombreuse que prévu. A l'entrée du festival, après avoir traversé de gigantesques champs transformés en parkings, l'attente est interminable pour rentrer. Le public est très varié, mais surtout régional. Aux aficionados de techno s'ajoutent les fans des Bérurier Noir, notamment des punks habillés de treillis et coiffés comme il se doit, venus par exemple de Paris ou du sud de la France. Les organisateurs ont même prévu un chenil pour garder les chiens le temps de la soirée. En revanche, ils n'ont pas prévu les mouvements de foule qui menacent pendant trois heures de faire exploser le sas d'entrée au site.
Underground Resistance en force
Autour du manoir à moitié en ruines, quatre scènes ont été installées. La plus imposante accueille les artistes du label Folklore de la Zone Mondiale : Hydra, cellule X, Barbirooza ou Ethnopaire. Les rythmiques ultra rapides augurent des sonorités hardcore qui suivront. Quelques mètres plus loin, un chapiteau est réservé au dub et à la drum'n'bass. Une ouverture tentée par Astropolis depuis l'an passé. Au programme : Improvisators Dub, Zenzile qui conquiert son public, la Phaze arrêtée par des problèmes techniques, puis DJ Friction, le Brésilien Marky et la Française Elisa do Brasil pour la partie jungle. Le public est bien là. L'Astrofloor donne à Tepr, le régional de l'étape, la chance de faire entendre son abstract hip hop avant-gardiste. Puis, c'est un revenant, l'anglais Adam-Sky, qui joue une techno très funky. Après un live des Allemands d'Alter Ego, c'est Miss Kittin qui revient pour la troisième fois à Astropolis.
Dans la cour du manoir, carte blanche est donnée au label américain Underground Resistance. Très engagés, ils souhaitent garder l'anonymat sur scène en restant dans la pénombre, gardiens d'une techno noire et non-commerciale.
Appels au calme
Un peu avant une heure du matin, un mouvement de foule se dirige vers la grande scène. Les Bérurier Noir, alias Kamouflage, font leur entrée en scène. Ils sont effectivement camouflés, avec des bandelettes sur le visage façon "l'Homme Invisible". Sur scène, ils sont accompagnés de la compagnie de théâtre de rue Elixir qui mêle cracheurs de feu, acrobates et comédiens. La foule est compacte et le pogo est la règle. Les Bérurier Noir constatent avec plaisir mais aussi inquiétude que le public, surexcité, les attend. Par trois fois, le groupe interrompt son concert pour appeler au calme et demander que l'on relève les personnes tombées à terre. Malaises, chevilles foulées, rien de grave heureusement. L'énergie est intacte, le répertoire alterne des classiques (Porcherie, Salut à toi) et des titres inédits, qui présagent de la sortie d'un nouvel album du groupe en 2006, ainsi que d'un DVD. Les premiers arrivés à Brest et les mieux informés avaient pu, quatre jours avant, découvrir les Bérurier Noir en concert quasi privé. Le groupe et sa clique étaient arrivés en Bretagne dix jours avant Astropolis pour préparer ce concert-événement.
Micro putsch
Après le concert des Bérurier Noir, c'est une véritable hémorragie humaine qui répond aux sons hardcore de Manu le Malin. Certains fans de punk ne sont apparemment pas décidés à tenter l'expérience techno. Le chapiteau drum'n'bass ne désemplit pas grâce aux DJs et MCs. Certains apprentis MCs tentent un putsch pour monter sur scène et rapper dans le micro. En vain. Dans la cour du manoir, Underground Resistance rétablit le pont entre la techno américaine et la musique électronique européenne en diffusant du Kraftwerk. Mais quelques minutes plus tard, les plombs sautent. Le courant rétabli, c'est ici qu'une bonne partie du public va terminer la nuit.
Vers 6 heures du matin, il faut slalomer entre les corps endormis pour quitter le site. Beaucoup n'ont pas pu tenir, l'alcool aidant, jusqu'à l'arrivée tardive de la navette de retour. D'autres rentrent à pied sur la nationale, direction la gare de Brest. Les plus courageux cherchent les afters. Près de 17.000 entrées payantes ont été comptabilisées, un des records d'Astropolis. Les organisateurs vont devoir trouver encore plus fort l'an prochain pour que le public soit aussi nombreux au rendez-vous.
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Trois questions à Manu le Malin
Le DJ Manu le Malin est le "vétéran" des artistes présents à Astropolis. Il n'a manqué aucune édition depuis la première. Cette année, il avait la difficile tâche d'assurer la transition entre les Bérurier Noir et les artistes de techno hardcore.
Que reste-t-il de l'Astropolis techno des débuts ?
Ce gros festival s'est imposé comme le dernier bastion de l'esprit rave. Ses organisateurs n'ont jamais changé d'optique depuis les débuts, malgré la croissance du festival. Il n'y a toujours pas de grands sponsors affichés à côté des scènes. Les organisateurs croient en l'éclectisme depuis déjà pas mal d'années. Cette volonté est poussée à son paroxysme cette année avec le Folklore de la Zone Mondiale, le label des Bérurier Noir. Mais auparavant, Astropolis était déjà très éclectique dans les musiques électroniques. Un groupe métal comme Nostromo avait déjà été invité par le passé.
Quelle est la légitimité des Bérurier Noir dans ce festival ?
Ce sont les Béru qui l'expliquent le mieux : comme le mouvement des raves et des free parties, le mouvement alternatif des années 80 avait sa propre organisation, ses labels, ses structures. Dans les deux cas, il s'agit de gens motivés, sans aide extérieure, habitués au "Do It Yourself".
Comment va se passer la transition entre les Béru et les artistes techno ?
J'ai le plaisir et l'honneur d'assurer cette transition sur la scène Mekanik. J'ai travaillé quelques jours avec eux en studio sur deux de leurs morceaux. Ils restent sur scène au moment où je débute mon set.
Nicolas Dambre
RFIMUSIQUE.com
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