Article dans l’Équipe sur le fameux "Momo"
Thomas Doucet mis à jour le 6 septembre 2021 à 11h10
Citation:
Qui est Mohamed Toubache-Ter, l'influenceur de Twitter recruté à la communication d'Angers ?
Très influent sur Twitter, Mohamed Toubache-Ter a été recruté par Angers pour devenir responsable de la communication du club. Celui qui prend ses fonctions ce lundi compte bien jouer de son expérience dans l'arène politique pour s'affirmer dans le monde du foot.
C'est la question à la mode dans le football français : « Mais c'est qui, ce Toubache ? » Et la réponse pourrait être la suivante : un sacré personnage. Mohamed Toubache-Ter, 34 ans, voix fluette et grosse tignasse, devenu incontournable sur Twitter, va même débarquer sur les terrains de Ligue 1, et pas en virtuel cette fois. Après un échange en message privé avec le président d'Angers, Saïd Chabane, ce dingue de tweets (plus de 128 000), détenteur d'une grande communauté (plus de 32 000 abonnés), a été embauché pour devenir le nouveau responsable de la communication du club de l'Anjou.
Il prendra ses fonctions à partir de ce lundi 6 septembre. « J'ai réfléchi, j'en ai parlé avec des présidents et des gens de la Ligue, et je me suis dit : pourquoi pas ? C'est une fonction à la fois grave et ludique. Cela peut être drôle. J'ai dit banco, à la condition que je garde ma liberté de parole. Le président m'a dit : « Je te prends comme tu es. » Mon objectif premier, c'est la reconnexion entre le club et ses supporters. Et puis je m'occuperai des relations presse. Le climat de défiance, je n'en veux pas. S'il y a des choses négatives au club et que les journalistes le déclarent, eh bien, c'est leur boulot. »
Ce recrutement très contemporain raconte l'ascension d'un internaute qui n'aurait peut-être jamais eu sa chance dans le milieu du football sans l'avènement des réseaux sociaux. Pour se faire remarquer, Toubache-Ter twitte sur beaucoup de sujets. Il donne son avis, souvent clivant, et il partage des informations mercato ou médias qui trouvent de l'écho chez certaines communautés de supporters. « C'est un passionné qui a des relais dans le monde du foot, avance le conseiller sportif et consultant pour la chaîne L'Équipe Gilles Favard, qui l'a connu sur Twitter. C'est quelqu'un qui compte dans le monde des infos. Il est très ami avec (Pierre-Antoine) Capton (président du groupe audiovisuel Mediawan et président du conseil de surveillance du SM Caen, L 2), Vincent Labrune (président de la LFP). »
« Il connaît très bien Boudebouz, Khazri, Bouanga (Saint-Étienne), Ferhat (Nîmes), Ripart, Savanier (ex-Nîmes), Leca (Lens), Gallon (Troyes)..., poursuit Favard. Il a des relations de confiance. Il a les téléphones, il appelle. Par contre, « Momo » n'entre pas dans les deals. Il ne veut pas gratter. Et il parle bien, ce n'est pas un loubard. Il habitait avenue Raymond-Poincaré à Paris (dans le XVIe arrondissement). Il sait très bien ce qu'il fait. Par exemple, c'est lui qui m'a appris que L'Équipe allait diffuser la Ligue 2. Et qui lui a dit ? Labrune. À Montpellier, il sait tout ce qui se passe à la seconde près. En général, c'est rare qu'il se plante. »
Cet incroyable réseau lui attire une vraie vague de sympathie sur Twitter qui ne se retranscrit pas toujours dans la réalité. Pour faire court, il n'a pas que des amis. « On s'adapte, souffle Laurent Nicollin, le président de Montpellier, club que supporte Toubache-Ter. S'il a des infos, c'est que des gens ont envie de lui parler : des agents, des journalistes, des joueurs... Cela peut nous laisser interrogatifs, mais c'est la société actuelle : n'importe qui peut parler de n'importe quoi. Après, sincèrement, ce qu'il dit, je m'en fous. »
Des premiers pas en politique
Certains joueurs et directeurs sportifs habitués aux réseaux sociaux y sont en revanche beaucoup plus sensibles. C'est par exemple le cas de Gad Cohen, agent FIGC (la Fédération italienne) qui gère notamment Tardieu, Touzghar et El Hajjam à Troyes : « Je n'ai rien contre lui mais il m'énerve. Par exemple, en sortant des chiffres faux sur les prolongations de contrat à Troyes, il a mis le feu là-bas. Ses tweets sont chirurgicaux, mais il sait très bien ce qu'il fait : il travaille énormément dans son intérêt. La preuve : il a ''moussé'' le mercato d'Angers et maintenant il est rendu là-bas. »
C'est d'ailleurs ce qui fascine ses ennemis : tous lui reconnaissent sa faculté d'investir des cercles a priori impénétrables. Et ce fut déjà le cas lors de son passage en politique. Avant de se lancer dans le conseil en communication, Toubache-Ter s'était fait remarquer par ses sorties tonitruantes quand il était à l'UMP (devenu LR). Pendant la campagne des élections européennes de 2009, alors qu'il était présenté comme un militant, il avait par exemple attaqué la Garde des Sceaux, Rachida Dati, sur BFM TV : « C'est une catastrophe européenne, Rachida Dati. C'est le mépris de l'Europe dans la plus pure tradition européenne. C'est inadmissible. »
On retrouve aussi ce bagout en 2010, durant l'élection des « Jeunes Pop », après le lipdub de l'UMP - une idée des jeunes du parti. Le clip mettait en scène les principales figures de droite (Xavier Bertrand, Jean-Pierre Raffarin, Christine Lagarde, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Nadine Morano...) et laissait apparaître une scène d'anthologie : Gilbert Montagné conduisant une voiture. « Je n'ai pas pris ma carte aux Jeunes Pop pour de la politique spectacle ! Où sont les propositions de fond ? », s'était insurgé Toubache-Ter dans Le Parisien.
Lors de cette même campagne, il avait rallié la candidate Aurore Bergé. Aujourd'hui, celle qui est députée (LREM) des Yvelines est frappée d'amnésie le concernant : « Je ne le connais pas bien, c'était il y a dix ans... Je n'ai pas de commentaires à faire sur le sujet. » Les attributs du bon communicant étaient pourtant déjà de la partie : le discours fluide, le ton sûr, le regard déterminé et la gestuelle accompagnant la parole. « Je baigne dedans depuis tout petit, assure l'intéressé. C'est Jacques Chirac qui m'a donné envie de faire de la politique. J'avais le soutien de parlementaires, des Tiberi notamment. Mais j'étais vu comme le chiraquien pendant la vague sarkozyste. C'est ce qui m'a coûté une place éligible à Paris. »
Il a par la suite préféré prendre du recul et agir dans l'ombre. Enfin presque. Sur Twitter, en 2014, au sujet des participants à la Manif pour tous, il écrit : « Du facho et de l'homophobe dans les rues de France ! Un petit terroriste d'extrême gauche ferait l'affaire pour nettoyer nos rues ! » Cela lui a valu d'être convoqué devant la justice après que plusieurs personnes, apparentées d'extrême droite selon lui, avaient porté plainte. Il s'est défendu tout seul et a obtenu la relaxe. « Je m'en souviens très bien, avance-t-il. C'était à la 17e chambre correctionnelle. J'ai été insulté par toute la fachosphère. J'assume ce tweet, même si je reconnais son caractère excessif. »
Les tweets, on y revient. Twitter a été son arme. C'est par ce biais qu'il s'est ensuite rapproché de certains joueurs, au point, pour certains, de gérer leur communication sur les réseaux. « Bien évidemment, je conseillais Ryad (Boudebouz) et Andy (Delort), ce sont des amis intimes. Mais ils avaient toujours le dernier mot. » Au total, près d'une cinquantaine de joueurs de l'élite lui parleraient régulièrement - et ce n'est pas lui qui avance ce nombre. Sa force ? « J'ai une grande gueule. Cela peut être viril mais correct. Je sais que je peux être clivant, mais je le fais avec respect. On peut se rentrer dedans sans que cela nous empêche d'aller boire un verre ensemble la semaine suivante. »
Incroyablement culotté selon les uns, roi de l'esbroufe selon les autres, Toubache-Ter va désormais jouer dans la cour des grands. Et ce n'est peut-être pas fini. « Directeur de la communication, je pense qu'il est fait pour cela, juge Favard. Bon, par contre, ce n'est pas un fin connaisseur du jeu. Ce n'est pas Aimé Jacquet ou Didier Deschamps, et je ne parlerai pas de foot avec lui ! Mais il peut quand même accéder encore à autre chose. Peut-être à la direction d'un club. Il a les capacités. Il connaît les ficelles et il comprend vite. » En attendant de devenir président, Toubache-Ter va en côtoyer un vrai à Angers : Saïd Chabane. Qui n'a pas tout à fait le même caractère que lui.
publié le 6 septembre 2021 à 11h00