http://www.letelegramme.fr/sports/clubs-football/stade-brestois/stade-brestois-dupont-l-accueil-des-brestois-a-ete-fantastique-30-07-2013-2187466.phpCitation:
[Interview exclusive] Un peu plus d’un an après son renvoi du club par l'ancien président Guyot, Alex Dupont est de retour au Stade Brestois qui débute en Ligue 2 vendredi à Châteauroux. Dans le rôle du "chef d’orchestre".
Comment vivez-vous votre retour à Brest ? On a le sentiment que vous n’êtes jamais parti...
J’ai aussi cette sensation-là. J’ai très vite retrouvé mes marques. Je suis à la fois très heureux de retrouver le Stade Brestois, c’est lié aux bons moments que j’ai passés ici, et aussi de travailler avec des gens qui vivent en parfaite harmonie.
Avec aussi une forme de solidarité, ne pas avoir à se retourner pour savoir si quelqu’un va te planter des coups de couteau dans le dos... C’était pour moi la chose essentielle et c’est ce qui a conditionné mon retour. Chacun est à sa place au club. Je suis quelqu’un qui délègue, je fais confiance aux gens, je donne de l’autonomie aux membres de mon staff, à mes joueurs aussi. Ça donne à tous le sentiment qu’ils défendent quelque chose qui leur appartient et ils sont alors totalement investis.
Mon rôle est d’apporter l’équilibre, je suis le chef d’orchestre. J’essaye d’anticiper les problèmes et s’il faut tailler dans le vif, je le fais. Voilà la partition que je souhaite jouer au Stade Brestois. Celle d’un chef d’orchestre.
Peut-on parler d’une histoire inachevée entre vous et le Stade Brestois ?
Tout à fait. (songeur) Quand je me suis fait débarquer (1), on était en difficulté mais on pouvait s’y attendre. Il y a eu des gens mal intentionnés qui ont travaillé à mon départ. J’ai trouvé ça...
Bien sûr que c’est le succès qui commande tout mais quand on est en difficulté, le plus simple, c’est de virer l’entraîneur, c’est le chemin qu’a choisi le président Guyot à l’époque, avec Corentin Martins et Jacques Jolivet.
Ce n’est même pas mon ego qui a été blessé, j’ai surtout trouvé cela tellement injuste. Car, avec les joueurs, il n’y avait pas de divorce. Bon, la page est tournée maintenant, j’arrive non pas comme un homme neuf car je connais bien le club et les gens avec qui je travaille. Alors qu’au moment de mon départ, le fonctionnement du club ne correspondait pas à l’idée que je me fais du métier d’entraîneur, ça, c’est sûr. J’avais le sentiment que nous étions sur des sables mouvants et que rien de concret ne se bâtissait.
Comment votre retour a-t-il pris forme ?
Quand Yvon (Kermarec) a pris la présidence, même un petit peu avant, il m’a demandé de faire partie du projet. Je me suis accordé assez peu de réflexion, pour tout vous dire, j’ai juste mis posé mes conditions sur la façon de fonctionner. On a parlé à mon retour d’un rôle élargi mais je ne veux pas être le président des présidents (rires).
Je voulais avoir le rôle qu’un entraîneur doit, à mon sens, avoir dans un club pro : décider du recrutement, avoir la main mise sur un plan technique... C’est ça qui me permet de déléguer. Je n’ai pas changé ma façon de fonctionner. Mais il n'y aura pas de trahison au club et je ne devrai pas assumer des responsabilités qui ne sont pas les miennes.
Lors des matchs de préparation, comment avez-vous perçu l’accueil des gens à votre égard ?
Fantastique. Je les retrouve comme lorsque je les ai quittés. La campagne d’abonnement (2) m’a beaucoup fait rire aussi, j’ai trouvé l’idée très originale. J’ai pris ça avec beaucoup de recul, je ne suis pas un lapin de six semaines quand même. Et puis il y a toujours 653 sponsors au club, personne n’a quitté le navire.
Au-delà d’une affiche, ça montre l’envie des Brestois de voir leur club repartir. Ils ont vécu des moments difficiles la saison dernière mais l’échec n’est un moment instantané. Qui n’en a jamais eu dans sa vie ? Ça doit nous permettre de rebondir.
Corentin Martins n’étant plus là, comment allez-vous organiser la cellule de recrutement ?
Le recrutement est et sera effectué par moi-même et Michel Bucquet en accord avec le président. Et nous sommes en train de mettre en place une nouvelle cellulle. Yannick Gaden aura la responsabilité de coordonner cette cellule. J’ai fait sa connaissance quand j’entraînais l’équipe olympique du Qatar puis nos chemins professionnels se sont ensuite séparés, il a été recruteur sur Saint-Etienne puis Bastia. C’est lui qui m’avait informé sur Johan Martial par exemple. La saison dernière, il était directeur sportif d’Orléans.
Pour le moment, notre recrutement n’est pas le fruit du travail de la cellule, il faut le temps qu’elle se structure, nous l’effectuons par nos réseaux. Mais, le plus vite possible, je souhaite qu’il y ait deux personnes en permanence sur la Bretagne, jeunes et professionnels, et Yannick qui, lui, est installé en région parisienne. C’est lui qui pilotera les déplacements de nos recruteurs mais je ne veux pas en faire une usine à gaz.
Quels sont les critères sur lesquels vous vous basez aujourd’hui pour recruter des joueurs ? Par exemple, y a-t-il des joueurs que vous ne prenez pas car vous avez des doutes sur leur état d’esprit ?
Bien sûr. Pour l’instant, pas question pour nous de recruter à l’étranger, c’est trop aléatoire aujourd’hui. Un étranger jouant en France, oui, ou alors un étranger que je connais, oui. Benschop m’a fait une très bonne impression pendant quinze jours. On ne pouvait pas le garder financièrement mais il sera peut-être notre avant-centre la saison prochaine.
Un garçon comme Ramaré signe trois ans chez nous car on estime qu’il correspond à l’identité de jeu que l’on souhaite donner au club. Mais je veux me garder de ce côté aléatoire. Car, si l’on se rate là, le club est tout de suite en danger. Quand Marseille rate ça, il est 10e, nous...
Quel regard portez-vous sur les joueurs qui vous ont rejoint cet été (3) ?
C’est un mélange entre des jeunes joueurs qui ont faim et doivent prouver quelque chose et des joueurs plus expérimentés qui peuvent prendre le projet à bras le corps. Mais je compte aussi sur les plus anciens pour dynamiser le groupe, en dehors mais surtout sur le terrain. Car un leader d’équipe doit d’abord être bon et irréprochable sur le terrain.
Dans votre esprit, ça veut donc dire qu’ils ne partent pas ? On pense à Grougi, Lesoimier...
Ils ne partent pas. A mes yeux, Lesoimier est invendable, je ne vois pas mon équipe sans lui. Bruno (Grougi) sera capitaine et Benoit (Lesoimier) vice-capitaine, mon message est clair. Ils ont la légitimité pour ça. C’est comme pour un entraîneur, la légitimité, elle se construit avec de la sincérité et de la cohérence. Ils ont ça.
A contrario, avez-vous des doutes sur l’implication de certains joueurs en Ligue 2 ?
Aucun. Depuis le premier jour, je n’ai aucun doute sur l’implication de chacun de mes joueurs. Je n’ai vu personne traîner les pieds, personne de blasé.
Il y a pourtant eu des problèmes de comportement la saison dernière. Avec Johan Martial, par exemple...
Aujourd’hui, Johan ne fait plus partie des jeunes joueurs. Il doit devenir un des cadres techniques de cette équipe car il a les qualités footballistiques pour le faire. Maintenant, il faut qu’il mette en conformité ses exigences et son plan de carrière avec son comportement sur et en dehors du terrain. C’est un homme et un joueur averti, ce n’est plus un jeune à qui on va pardonner, non. En sera-t-il capable ? Peut-être pas mais c’est comme ça que je lui ai présenté les choses. La balle est dans son camp. Le terrain va parler. On veut en tout cas construire l’avenir avec lui. C’est quand même une marque de confiance, non ?
Quelle est votre vision des choses sur le poste de gardien ?
Il n’y a pas de concurrence, je n’en veux pas à ce poste. Le N.1, c’est clair, c’est Thébaux. J’ai toutefois trouvé Hartock très bon pendant la préparation. Le problème, c’est qu’à chaque fois qu’il a joué, ça ne s’est pas très bien passé. Le gardien N.2, c’est délicat car il doit être bon à la demande, il ne peut pas se remettre en cause au prochain match et ça demande une grande force de caractère.
Savoir tout relativiser, ce n’est pas une question de vie ou de mort, l’erreur est permise. Mais son entraîneur (Julien Lachuer) en pense beaucoup de bien. D’ailleurs, c’est lui qui jouera la Coupe de France et la Coupe de la Ligue.
Il reste deux postes où un renfort n’est pas à exclure : celui d’avant-centre et de latéral droit ou gauche, c’est bien cela ?
Avec l’arrivée de Johan Ramaré, au milieu, on est calé. Derrière, il n’y aura d'arrivée qu’en cas de départ. Reste l’avant-centre. Nous en cherchons un car le championnat est long. J’ai vu des bonnes choses avec mes attaquants pendant la préparation mais ce qui compte, c’est d’être performant dans le temps.
Depuis le début de la préparation, on ne sent pas un club et une équipe touchés par la relégation. Quelle a été votre démarche pour remettre les choses dans l’ordre ?
Dès le premier jour, j’ai insisté sur le cadre de vie, sur l’état d’esprit à avoir dans les premières semaines, leur faire comprendre combien la notion de groupe influe sur les résultats. La meilleure équipe n’est pas forcément composée des meilleurs joueurs mais de ceux qui sont capables du plus grand effort collectif. Et j’ai vite compris que la seule garantie de mon équipe résidait dans son état d’esprit. Je l’estimais avant, je l’estime toujours et c’est sur cette mentalité-là que je veux asseoir mon travail.
Je sens que le groupe est sain, il faut maintenant se retrouver dans un cadre de jeu. Mais si on veut remonter en Ligue 1, on ne pourra le faire qu'ensemble.
Est-ce envisageable dès cette année ?
Remonter en Ligue 1 doit être notre ambition première, celle qui nous doit nous guider tous les jours. Mais je ne parle de temps, là, mais de travail. Dans combien de temps, ça, on ne le sait pas...
1. Le 26 avril 2012, après une défaite face à Rennes (0-1, 33e journée).
2. Une photo d’Alex Dupont et le slogan "Je reprends ma place. Et vous ?" illustrent les affiches de la campagne d’abonnement.
3. Pandor (Monaco), Verdier (GFCO Ajaccio), Perez (Grenoble), Ramaré (Reims).
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Propos recueillis par Eric Daniellou