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Les créationnistes poussent le temple de la démocratie européenne à la censure
Une condamnation de l’enseignement du créationnisme comme discipline scientique est gommée de l’ordre du jour de l’Assemblée du Conseil de l’Europe. Une "évolution" préoccupante...
Carton rouge pour le président de l’Assemblée du Conseil de l’Europe ? Guy Lengagne, député (socialiste) français quitte la vie parlementaire en lui en donnant un. On le comprend et l’approuve. Ce qui doit être, selon la formule de Robert Schuman, un « laboratoire d’idées », évolue mal, en effet. Et c’est symptomatique d’une des maladies qui frappent nos sociétés : le retour de l’irrationnel. Descartes, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Et lâches, en plus. Ou inconscients...
« Nous assistons aux prémices d’un retour au Moyen Age », constate Guy Lengagne, mathématicien de profession, en disant « stupéfait », « effrayé » et « choqué » après le renvoi en commission (dans les oubliettes), par l’Assemblée, de son rapport dénonçant avec intelligence, pertinence et courage les « dangers du créationnisme dans l’éducation ». La commission intéressée (qui a beaucoup travaillé sur ce rapport ) proteste, invoque même des "irrégularités". Mais le mal est fait. Et la presse (queqlues exceptions mises à part) a bien tort de ne pas faire un large echo à cette affaire.
Cela s’appelle de la censure, donc une violation des libertés d’expression (et même de penser), du premier des droits de l’homme. Dans et par cette Assemblée qui se veut le temple de la démocratie pluraliste, qui multiplie les leçons en « droits de l’homme » et dont la raison d’être est de jouer les veilleurs des périls qui peuvent menacer la santé (y compris mentale) de nos sociétés, c’est plus que grave.
Ce n’est évidemment pas l’ensemble de l’Assemblée qui est ainsi discréditée. Le système démocratique est ainsi fait qu’il peut être menacé par une minorité d’activistes qui sait jouer sur l’apathie irresponsable d’une majorité, ou par des jeux d’influences et d’entrisme soigneusement orchestrés. Les lobbies n’ont pas que des visées économiques ou financières...
Guy Lengagne a raison : « Je ne peux y voir qu’une manœuvre de ceux qui veulent, par tous les moyens, lutter contre la théorie de l’évolution et imposer les idées créationnistes. »
Qu’est-ce qui gêne les grands prêtres du « créationnisme » qui, avec d’énormes moyens financiers (américains surtout), ont une influence croissante dans les courants les plus extrémistes, fondamentalistes, intégristes des trois monothéismes ?
Que distinction soit faite nettement entre ce qui n’est qu’une croyance (le créationnisme) et ce qui est une théorie scientifique, l’évolutionnisme. Dans l’enseignement, les croyances relèvent de l’instruction religieuse ou de l’étude des religions, non dans les matières scientifiques. Cette logique est rejetée par ceux qui font tous les procès en sorcellerie à Darwin, en le caricaturant, et qui veulent imposer leurs dogmes.
Tout est bon au niveau des arguments : en Russie, dans quelques ex-pays de l’Est (Hongrie notamment) des courants de pensée voient dans l’évolutionnisme l’origine du stalinisme et de l’hitlérisme. Refrains connus chez ceux qui rejettent les apports des Lumières... en cherchant des explications trop simples pour être crédibles.
Ce rejet de la théorie darwinienne de l’évolution des espèces par la sélection naturelle et cette défense de « l’idée » que le monde a été créé par Dieu (soit en six jours selon le récit de l’Ancien Testament, soit grâce à l’intervention d’un « dessein intelligent" pour les néo créationnistes ») font de plus en plus de ravages dans les têtes.
Une recherche de l’université du Michigan, parue en 2006 dans la revue Science, montre qu’environ 1/3 de la population américaine ne croit pas à l’évolution des espèces (de laquelle est issue l’humanité) alors que dans des pays comme l’Islande, le Danemark, la Suède et la France, 80 % ou plus des adultes acceptent le concept d’évolution. La Turquie, un pays à prédominance musulmane, est le seul pays européen où le concept d’évolution est moins accepté qu’aux États-Unis. Au Japon, 78 % acceptent le concept d’évolution.
Aux USA, 15 à 20 % des enseignants américains évoqueraient à l’école la possibilité que le monde ait été créé en sept jours. Près d’un Américain sur deux pense que l’humanité a moins de 10 000 ans d’existence, quand les scientifiques lui en donnent largement plus d’un million.
38 % des citoyens prônent un abandon de l’enseignement des thèses évolutionnistes et le président George Bush, comme les néoconservateurs si influents dans les milieux politiques défendent l’idée d’un double apprentissage. Lors d’un récent débat télévisé, trois des dix candidats républicains à la Maison-Blanche ont reconnu qu’ils ne croyaient pas à la théorie de l’évolution. Le seul fait que la question soit posée dans un tel contexte est révélateur...
Les campagnes créationnistes se multiplient en Europe. Le rapport évoque notamment le cas de l’écrivain turc Harun Yahya, qui a publié un "Atlas de la Création" de 750 pages qui a été gratuitement distribué dans des écoles en France, en Suisse, en Belgique et en Espagne. Et ailleurs.
"Dans plusieurs pays européens, les ministres de l’Education ont remis en question l’enseignement du darwinisme. Le rapport cite la Pologne où, à l’automne 2006, le vice-ministre de l’Education a déclaré : "La théorie de l’évolution est un mensonge, une erreur qu’on a légalisée comme une vérité courante".
En 2004, en Italie, la ministre de l’Enseignement a proposé d’abolir cet apprentissage dans le primaire et le secondaire. Sa collègue serbe a dû démissionner après avoir ordonné aux écoles d’abandonner l’enseignement de cette théorie. En 2005, la ministre néerlandaise a proposé l’organisation d’un débat sur l’enseignement des théories de l’évolution."
"Tous ces faits correspondent à un reflux de la science au profit du religieux ; or, vouloir priver les citoyens de l’accès à la connaissance scientifique est une des atteintes les plus graves aux droits de l’homme", assure M. Lengagne. Il a raison. « Le cancer est plus développé que je ne croyais », insiste-t-il en voyant son rapport condamné à être archivé, donc politiquement brûlé. Avant d’être examiné et discuté. « On se voile la face, on refuse de regarder. La fuite devant la réalité est un vrai fléau de ce temps ».
’’Il est essentiel que l’Europe prenne maintenant la tête en matière de défense de nos valeurs communes dans le monde’’, a exhorté René van der Linden, le président de cette docte Assemblée, grand responsable de cette censure inadmissible de l’esprit, de l’intelligence et des valeurs proclamées.
Comme se plait à dire l’ami Tomi Ungerer, « nous avions le siècle des Lumières. Aujourd’hui nous n’avons que l’électricité ». Avec des plombs qui sautent de temps à autres. Le bureau de l’Assemblée du Conseil de l’Europe a disjoncté. Et trop de parlementaires présents dans l’hémicycle au moment de l’adoption de l’ordre du jour ne se sont pas vus se transformer en ombres... « Veilleur, où en est la nuit ? » ...
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